Réparer la démocratie et sortir du consensus mou de la concertation
Il ne vous a pas échappé que la "concertation" est devenue un mot valise couvrant des pratiques diverses et confuses allant de la simple information à la participation véritable à la décision, en passant par toutes les formes de consultations possibles et imaginables. Pourtant, le terme est clairement défini par les conventions internationales. Victime du même effet de mode que le développement durable, il semblerait qu’en passant de la théorie à la pratique, la concertation ait perdu de son sens. C’est d’ailleurs à peine si l’on ose encore invoquer son nom, lui préférant le terme générique et tout aussi flou de "débat public".
La décennie passée a malgré tout été caractérisée par un certain engouement pour le sujet, comme en témoignent les nombreuses expériences menées par les collectivités locales et maîtres d’ouvrage, sur la base du volontariat ou imposées par le droit. A cet effet, la création de la Commission Nationale du Débat Public en 1997 a marqué une étape décisive. Mais avec l’expérience sont venues les leçons, et il apparaît aujourd’hui que les défenseurs de la "concertation" doivent désormais affronter deux types d’opposition :
Il est ainsi normal que les pratiques de concertation aient été rapidement associées aux projets urbanistiques. Il est également logique que les "nouveaux utopistes" du développement durable (cf Anne-Marie Ducroux) s’appuient sur la concertation pour mettre en musique, sur les territoires, les politiques intégrées résultant d’une prise en compte des enjeux écologiques. C’est parce qu’ils militent en faveur de la responsabilisation de chacun et qu’ils invitent à l’appropriation par chacun de l’action publique que les "militants du développement durable" recourent à la concertation comme outil du changement. La régulation de la décision par la concertation avec les habitants, au sein d’un éco-quartier, s’impose à ce double titre.
Toutefois, si le principe est communément accepté – il est même adossé à notre Constitution -, son succès est loin d’être garanti. Quand lancer la démarche ? Qui associer à la concertation ? Faut-il faire appel à des professionnels pour son animation et son bon déroulement ? Quels objectifs lui fixer ? Comment l’évaluer ? Last but not least, qui doit l’organiser et la faire vivre : faut-il encore confier cette noble mission aux élus issus de la représentation pour qu’ils injectent une petite piqûre de participation dans la grande circulation de la représentation ? ou plutôt faire confiance aux associations ou encore aux “simples” habitants pour qu’ils se mobilisent librement, eux qui rechignent encore et toujours, depuis Alexis de Toqueville jusqu’à Pierre Rosanvallon, à s’engager dans cet étrange “circuit parallèle” ?
Il n’y a guère que l’expérience de terrain qui puisse apporter, in situ, des réponses concrètes à ces questions et donner la preuve que la coexistence démocratique pacifique et efficace est possible. Une chose est sûre : il faut poser les règles dès l’amont et ne pas rechercher le consensus. Car concerter, c’est sortir du consensus mou, c’est construire ensemble en assumant les conflits, au sein des espaces multiples et des temps simultanés. Comme l’écrit Jacques Rancière, dans Chronique des temps consensuels : "Le consensus dit qu’il n’y a qu’une réalité dont il faut épuiser les signes, qu’un seul espace, quitte à y retracer les frontières, qu’un seul temps, quitte à en multiplier les figures". Une seconde chose est plus que probable : plus on multipliera les concertations dont le résultat, issu d’une délibération, n’est pas respecté ou tout simplement ignoré, plus on aura de chance de rester “unijambiste”. Les écoquartiers sont très certainement l’un des terrains de poursuite de cette “réparation”.
Avis aux amateurs !
La décennie passée a malgré tout été caractérisée par un certain engouement pour le sujet, comme en témoignent les nombreuses expériences menées par les collectivités locales et maîtres d’ouvrage, sur la base du volontariat ou imposées par le droit. A cet effet, la création de la Commission Nationale du Débat Public en 1997 a marqué une étape décisive. Mais avec l’expérience sont venues les leçons, et il apparaît aujourd’hui que les défenseurs de la "concertation" doivent désormais affronter deux types d’opposition :
- en tant qu’outil pratique de mise en œuvre de la démocratie participative, la concertation inspire encore et toujours une certaine crainte aux représentants élus issus de la traditionnelle démocratie de représentation, qui ne manquent pas d’en dénoncer les limites sans renoncer à l’instrumentaliser ;
- en tant que tentative pratique d’instauration d’une "nouvelle" forme de démocratie – en fait beaucoup plus ancienne qu’il n’y paraît - , la démocratie de participation engendre des déceptions et invite au cynisme ceux qui, pour un temps, avaient cru en ses espoirs.
Il est ainsi normal que les pratiques de concertation aient été rapidement associées aux projets urbanistiques. Il est également logique que les "nouveaux utopistes" du développement durable (cf Anne-Marie Ducroux) s’appuient sur la concertation pour mettre en musique, sur les territoires, les politiques intégrées résultant d’une prise en compte des enjeux écologiques. C’est parce qu’ils militent en faveur de la responsabilisation de chacun et qu’ils invitent à l’appropriation par chacun de l’action publique que les "militants du développement durable" recourent à la concertation comme outil du changement. La régulation de la décision par la concertation avec les habitants, au sein d’un éco-quartier, s’impose à ce double titre.
Toutefois, si le principe est communément accepté – il est même adossé à notre Constitution -, son succès est loin d’être garanti. Quand lancer la démarche ? Qui associer à la concertation ? Faut-il faire appel à des professionnels pour son animation et son bon déroulement ? Quels objectifs lui fixer ? Comment l’évaluer ? Last but not least, qui doit l’organiser et la faire vivre : faut-il encore confier cette noble mission aux élus issus de la représentation pour qu’ils injectent une petite piqûre de participation dans la grande circulation de la représentation ? ou plutôt faire confiance aux associations ou encore aux “simples” habitants pour qu’ils se mobilisent librement, eux qui rechignent encore et toujours, depuis Alexis de Toqueville jusqu’à Pierre Rosanvallon, à s’engager dans cet étrange “circuit parallèle” ?
Il n’y a guère que l’expérience de terrain qui puisse apporter, in situ, des réponses concrètes à ces questions et donner la preuve que la coexistence démocratique pacifique et efficace est possible. Une chose est sûre : il faut poser les règles dès l’amont et ne pas rechercher le consensus. Car concerter, c’est sortir du consensus mou, c’est construire ensemble en assumant les conflits, au sein des espaces multiples et des temps simultanés. Comme l’écrit Jacques Rancière, dans Chronique des temps consensuels : "Le consensus dit qu’il n’y a qu’une réalité dont il faut épuiser les signes, qu’un seul espace, quitte à y retracer les frontières, qu’un seul temps, quitte à en multiplier les figures". Une seconde chose est plus que probable : plus on multipliera les concertations dont le résultat, issu d’une délibération, n’est pas respecté ou tout simplement ignoré, plus on aura de chance de rester “unijambiste”. Les écoquartiers sont très certainement l’un des terrains de poursuite de cette “réparation”.
Avis aux amateurs !