L’architecture durable est-elle soluble dans la norme ?
12/07/2011 - Stéphanie LEMOINE
En janvier 2011, le salon Batilux à Monaco organisait ses premières assises de l’architecture. Ambition d’un tel événement : initier " un grand débat sur la création architecturale et les contraintes normatives. " Dans un contexte de lassitude des maîtres d’œuvre face à la surenchère réglementaire (dernière en date, la RT 2012 fixe à 50kWh/m²/an la performance énergétique de tout bâtiment neuf, introduit l’obligation de recours aux énergies renouvelables et de traitement de la perméabilité à l’air...), l’initiative devait nécessairement tourner au coup de gueule. Ainsi, pour les 24 architectes invités à y participer (dont Dominique Perrault, Jacques Ferrier et Nicolas Michelin), le " grand débat " annoncé a conduit à l’élaboration d’une déclaration commune, dont cet extrait résume la position : " Les normes, règlements et certifications sont nécessaires (...). En ce sens elles peuvent être motivantes pour l’architecte, le poussant à l’innovation ou l’invention. Et en même temps, elles peuvent être une contrainte – si ce n’est une obstruction à sa qualité d’appréhension du contexte. Il est temps que les architectes influent sur ces contraintes pour éclairer le politique comme les maîtrises d’ouvrage, pour élaborer les synthèses positives, constructives, réalistes, qui conduisent à réaliser les objectifs politiques et économiques, tout en préservant la nécessité de création, d’innovation, de sur-mesure, et d’une certaine poésie qui inscrive son travail dans une perspective durable, intégrant la valeur d’usage."
De fait, les signataires de la déclaration ont eu pour beaucoup le loisir de mesurer les effets de la réglementation sur toute construction neuve. Parmi eux, Rudy Ricciotti, qui s’en était déjà pris assez virulemment en 2009 à la HQE dans un pamphlet du même nom. Selon l’architecte, la certification, cet " eldorado de l’arnaque ", visait d’abord à satisfaire des lobbies industriels ravis d’écouler aux frais de l’environnement et des acquéreurs systèmes de ventilation double-flux, pompes à chaleur et autres must have de toute construction verte : " On pressent bien, écrivait-il alors, comment la RT 2005 va promouvoir davantage de profils en aluminium à rupture de pont thermique et de suréquipement en matière thermique ; souffler davantage d’air dans des conduits pour davantage l’aspirer est devenu un projet révolutionnaire et romantique pour tout bâtiment public. Peu importe si l’énergie primaire consommée pour fabriquer une pompe à chaleur, réchauffe d’abord la planète avant de réchauffer son propriétaire. "
Depuis, l’accusation a été largement reprise : avec leurs volets de solutions ultra techniques et ultra coûteuses (certains estiment le surcoût de la RT 2012 à 15 ou 20%), les bâtiments que nous promet la nouvelle règlementation s’annonceraient aussi gourmands en matériaux et en énergie grise que peu confortables pour l’usager. En somme, les normes environnementales, prépareraient l’avènement de « maisons thermos » totalement étanches à l’air, où l’on ne respire que par la grâce d’une ventilation assistée, et dont les impacts sanitaires sont encore mal connus (une étude de l’OQAI sur le sujet est actuellement en cours)...
Si l’argument passe un peu vite sur les gains obtenus en matière de confort (thermique, acoustique, etc.) grâce aux réglementations et labels, un coup d’œil aux réalisations " vertes " nées dans le sillage de la HQE et du BBC est de nature à confirmer l’agacement de certains maîtres d’œuvre : affairée à éliminer le moindre pont thermique, à assurer l’étanchéité totale du bâti, l’architecture dite durable donne parfois l’impression de se décliner en autant de variations sur le thème de la boîte à chaussures... Tout se passe comme si les projets menés au nom de l’environnement ne voyaient dans la qualité architecturale qu’une coquetterie sans importance, dès lors qu’il s’agit de répondre à un défi autrement plus noble : la maîtrise de l’énergie.
Dans ces conditions, la déclaration de Monaco a le mérite de rappeler que la conception d’un bâtiment ne se résume pas, loin s’en faut, à un calcul de coefficients lambda. Comme le résume Nicolas Michelin, dont les innovations architecturales en matière de ventilation naturelle ont eu toutes les peines du monde à obtenir l’agrément du CSTB, " un ingénieur ne peut pas remplacer l’architecte. Il n’a pas le sceau créatif, très précieux. Un projet sans architecte engendre des choses standards. " (Source : Smart planet)
Dès lors, les formules esquissées dans la déclaration de Monaco – jouer l’adaptation au contexte contre la rigidité des normes, la négociation et la synthèse plutôt que l’application stricte d’un ensemble de règlements, la qualité d’usage contre l’obsession de la performance énergétique, les solutions low-tech innovantes plutôt que le recours à un arsenal technique coûteux – semblent autant de pistes à tous ceux qui veulent éviter que les bâtiments basse consommation dûment labellisés ne connaissent un sort comparable à celui des grands ensembles...
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De fait, les signataires de la déclaration ont eu pour beaucoup le loisir de mesurer les effets de la réglementation sur toute construction neuve. Parmi eux, Rudy Ricciotti, qui s’en était déjà pris assez virulemment en 2009 à la HQE dans un pamphlet du même nom. Selon l’architecte, la certification, cet " eldorado de l’arnaque ", visait d’abord à satisfaire des lobbies industriels ravis d’écouler aux frais de l’environnement et des acquéreurs systèmes de ventilation double-flux, pompes à chaleur et autres must have de toute construction verte : " On pressent bien, écrivait-il alors, comment la RT 2005 va promouvoir davantage de profils en aluminium à rupture de pont thermique et de suréquipement en matière thermique ; souffler davantage d’air dans des conduits pour davantage l’aspirer est devenu un projet révolutionnaire et romantique pour tout bâtiment public. Peu importe si l’énergie primaire consommée pour fabriquer une pompe à chaleur, réchauffe d’abord la planète avant de réchauffer son propriétaire. "
Depuis, l’accusation a été largement reprise : avec leurs volets de solutions ultra techniques et ultra coûteuses (certains estiment le surcoût de la RT 2012 à 15 ou 20%), les bâtiments que nous promet la nouvelle règlementation s’annonceraient aussi gourmands en matériaux et en énergie grise que peu confortables pour l’usager. En somme, les normes environnementales, prépareraient l’avènement de « maisons thermos » totalement étanches à l’air, où l’on ne respire que par la grâce d’une ventilation assistée, et dont les impacts sanitaires sont encore mal connus (une étude de l’OQAI sur le sujet est actuellement en cours)...
Si l’argument passe un peu vite sur les gains obtenus en matière de confort (thermique, acoustique, etc.) grâce aux réglementations et labels, un coup d’œil aux réalisations " vertes " nées dans le sillage de la HQE et du BBC est de nature à confirmer l’agacement de certains maîtres d’œuvre : affairée à éliminer le moindre pont thermique, à assurer l’étanchéité totale du bâti, l’architecture dite durable donne parfois l’impression de se décliner en autant de variations sur le thème de la boîte à chaussures... Tout se passe comme si les projets menés au nom de l’environnement ne voyaient dans la qualité architecturale qu’une coquetterie sans importance, dès lors qu’il s’agit de répondre à un défi autrement plus noble : la maîtrise de l’énergie.
Dans ces conditions, la déclaration de Monaco a le mérite de rappeler que la conception d’un bâtiment ne se résume pas, loin s’en faut, à un calcul de coefficients lambda. Comme le résume Nicolas Michelin, dont les innovations architecturales en matière de ventilation naturelle ont eu toutes les peines du monde à obtenir l’agrément du CSTB, " un ingénieur ne peut pas remplacer l’architecte. Il n’a pas le sceau créatif, très précieux. Un projet sans architecte engendre des choses standards. " (Source : Smart planet)
Dès lors, les formules esquissées dans la déclaration de Monaco – jouer l’adaptation au contexte contre la rigidité des normes, la négociation et la synthèse plutôt que l’application stricte d’un ensemble de règlements, la qualité d’usage contre l’obsession de la performance énergétique, les solutions low-tech innovantes plutôt que le recours à un arsenal technique coûteux – semblent autant de pistes à tous ceux qui veulent éviter que les bâtiments basse consommation dûment labellisés ne connaissent un sort comparable à celui des grands ensembles...
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Commentaires
1 02 février 2012 à 11h03 par Pau 64
Super article, j'adore !