Réinventer la campagne

« Les villes regrouperont 80% de la population mondiale en 2050. Aujourd’hui, l’Etat investit pour construire la ville de demain » confiaient Nathalie Kosciusko-Morizet et Benoist Apparu à l’occasion de l’annonce, ce mois-ci, de nouveaux financements pour les projets urbains des Ecocités (lauréates en 2009 de l’appel à projets du Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable, des Transports et du Logement).
Le lancement d’un comité de pilotage et d’un fonds dédié à la « ville de demain » sont symptomatiques d’un manque d’attention, dans les politiques publiques de développement durable, pour ce qui ne relève pas du « fait urbain ». Ainsi, on nous annonce souvent que l’avenir de la lutte contre le changement climatique, et plus globalement, de l’innovation territoriale, se trouve en agglomération. Or, s’il est vrai que la ville concentre les émissions de gaz à effet de serre (transports, secteur tertiaire et résidentiel ; phénomène de périurbanisation, etc.), rendant essentiels la mise en place de Plans Climats, il n’en demeure pas moins que l’espace rural doit lui aussi devenir un territoire stratégique de déploiement de projets de développement durable. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 1999, 14,3 millions de français vivent dans des communes rurales, couvrant 82% de l’hexagone (1). Nous avons en France 36 000 communes, dont 32 000 ont moins de 2 000 habitants (2). Dès lors, pouvons-nous circonscrire la mise en œuvre du développement durable à 13 Ecocités et quelques dizaines d’éco-quartiers urbains ?
En outre, les enjeux de l’urbanisme durable prennent un caractère passionnant dès lors qu’on quitte le champ urbain, où tout a déjà été dit et écrit. Ainsi, comment développer les modes doux dans les espaces ruraux, alors que la voiture reste le mode de déplacement dominant ? Comment favoriser de nouvelles façons d’habiter, qui s’affranchissent du modèle pavillonnaire, érigé en rêve absolu pendant des décennies ? Sur quels éléments de programmation, spécifiques au territoire, s’appuyer ? Comment développer la mixité sociale et intergénérationnelle dans un espace en mutation démographique profonde ?
De récentes publications cherchent à pointer les nouvelles initiatives des petites communes, qui, loin des opérations de « branding urbain » visant à s’adapter aux standards de vie dans le cadre d’une compétition inter-métropolitaine, cherchent à réinventer un mode de vie rural. A l’heure de la diversification démographique, de l’ouverture économique et de la prise de conscience de la richesse paysagère et environnementale des espaces naturels, la campagne doit en effet se métamorphoser – tout en conservant son identité. Les projets de développement rural durable peuvent concerner :

• la revitalisation du cœur de bourg (comme le projet de La Rivière, en Isère) ;
• le développement d’une offre alternative aux lotissements standardisés visant à accueillir de nouvelles populations (Sainte-Croix aux Mines dans le Haut-Rhin ; Hédé-Bazouges en Ille-et-Vilaine, etc.) ;
• le soutien aux activités économiques (zones d’activités artisanales au Val de Galilée dans les Vosges, locaux d’activités à Saint-Nolff dans le Morbihan, etc.). 
• etc.
  

Sur ce sujet, on pourra suivre les programmes de la DATAR (Pôles d’excellence rurale, zones de revitalisation rurale), les activités d’une association comme le CELAVAR (comité d’étude et de liaison des associations à vocation agricole et rurale, qui travaille sur un projet autour de la mixité intergénérationnelle) ou comme l’AFIP (Association de formation et d’information pour le développement d’initiatives rurales) et/ou lire le très beau livre publié par le CERTU, « Ecoquartiers en milieu rural ? Aménager durablement les petites communes », qui dresse un panorama d’exemples et analyse, sous forme d’études de cas, leur genèse et leurs objectifs.

Concevoir un éco-quartier en milieu rural n’a rien d’un exercice facile. On ne peut se contenter d’établir un copier/coller de ce qui se fait en ville. A la campagne, les enjeux sont nécessairement spécifiques, la notion de paysage doit être au cœur de l’approche systémique, et enfin, de belles opportunités sont à saisir quant à l’application du cinquième pilier du développement durable, à savoir « une dynamique de développement suivant des modes de production et de consommation responsables ». Agriculture bio, raisonnée, circuits courts : c’est à la campagne que tout commence…
C’est spécifiquement sur ce pilier que je souhaiterais que l’on s’attarde quelque peu. Les campagnes, riches d’un patrimoine et d’un terroir spécifiques, sont le lieu d’expression de nouvelles formes de consommation… dont s’inspire ou que copie la ville…

A suivre !

(1) Rapport du groupe de travail Nouvelles ruralités, juillet 2008,
(2) http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/institutions/approfondissements/quel-avenir-pour-intercommunalite.html