Un projet urbain est par définition créateur de lieux, d’espaces en transition qui à terme feront l’objet d’appropriation par les usagers. En attendant la livraison des aménagements, il est possible d’animer les lieux, y compris par des interventions artistiques permettant la mise en valeur d’éléments architecturaux, ou une pré-appropriation des lieux par les futurs usagers grâce à l’occupation d’espaces pour des événements ou performances artistiques.

Mise en valeur en attendant la conception du projet urbain
La réalisation d’un projet urbain s’inscrit souvent dans le temps long et peut être, pendant les phases pré-opérationnelles, un support de création artistique temporaire permettant de mettre en valeur un site non aménagé ou en cours d’aménagement (immeubles en friches, panneaux chantier, etc.).
De façon plus ou moins « commandée » par les acteurs de l’aménagement, le street art s’empare naturellement des friches urbaines. Par exemple, l’artiste pochoiriste RERO, à la demande du marie du 13ème arrondissement à Paris, s’est inspiré de l’actualité du peuple tunisien (janvier 2011), pour apposer un immense « Dégage » sur un immeuble qui attendait d’être démoli pour y faire des logements sociaux. Le terme « Dégage », scandé le 14 janvier 2011 par la jeunesse tunisienne, avait alors acquis une dimension magique avec le départ du pouvoir de Ben AIi, le soir même. Le mot « Dégage » est ici la formulation d’une création plastique émanant de et par la rue, et qui met ici en scène un immeuble voué lui aussi a « dégagé ».
Ce type d’expression temporaire permet de donner une valeur artistique à des éléments de chantier ou bâtiments délaissés et de cette manière les intégrer à la ville, permettre la transition avant les aménagements à venir.
Voir aussi l’action du Projet Crono à Lisbonne qui, avec le soutien de la ville, transforme les immeubles abandonnés de la ville en œuvres géantes.

Evénement – Performance
Un lieu, un bâtiment, un monument est pour de nombreux artistes qui les investissent momentanément, une source directe d’expression. Il est souvent très stimulant, dans le cadre de l’élaboration d’un projet urbain, de révéler l’intérêt d’un lieu par la mise en place d’un événement associant directement la création artistique et le lieu lui-même. Spectacle, mise en lumière, performance artistique, de nombreux exemples montrent l’intérêt des habitants à découvrir une nouvelle façon de voir leur quartier.
Pour le projet de La Courrouze, à Rennes, Yann Kersalé a mis en lumière 3 bâtiments abandonnés, proposant ainsi, l’espace d’un soir, un regard poétique sur une friche militaire. L’artiste breton prend appui sur un matériau existant et délaissé qu’il transforme et met en valeur par le biais de ses jeux de lumière pour proposer au public un autre regard sur le lieu. Cette performance artistique fait l’objet d’une exposition à la Fondation EDF du 28 octobre 2011 au 4 mars 2012.
Alors que les projets d’écoquartiers s’inscrivent souvent dans des morceaux de ville en friche, inaccessibles et déconnectés du tissu urbain qui les entoure, ce type d’expression artistique permet d’ouvrir les projets en cours d’élaboration à une appropriation temporaire des lieux par les habitants. Ces derniers découvrent un espace qui leur était, souvent depuis très longtemps, inaccessible et qui par l’intermédiaire d’une performance artistique peut devenir un peu plus familier.

Rendre la ville ludique
L’art urbain s’approprie très souvent l’espace pour le sortir de sa banalité et lui donner un aspect ludique. Or, associer des artistes à la conception urbaine ou à l’appropriation d’espaces urbains existants permet rendre le quartier plus vivant par le plaisir de s’approprier les lieux. Le quartier devient lui-même un « terrain de jeu » par les symboles, les références et les clins d’œil destinés à ceux qui le pratiquent.
Il existe évidemment de très nombreux exemples d’artistes créant de façon spontanée des œuvres détournant le mobilier urbain, proposant des interprétations divertissantes et plus ou moins critiques de notre environnement quotidien : Alexandre Orion, 6EMEIA, Bansky, Space invaders, Above, Blu, Juliana Santacruz.
Il existe également un certain nombre d’initiatives “institutionnelles” proposant à des artistes de réinterpréter l’espace public de façon plus ludique. En 2010, dans les rues de Graz (Autriche), l’installation des artistectes Janser & Koller « Ready, Steady, Go ! » a transformé le centre-ville en piste d’athlétisme, invitant à réfléchir sur la répartition de l’espace public selon les modes de transport. Cette initiative a également servi à revitaliser l’animation du centre-ville lui donnant un aspect frais et nouveau, invitant les citoyens et les visiteurs à explorer les rues de façon différente.
Autre exemple similaire, à l’occasion de l’exposition «R-Art», le village de Vercorin (Suisse) a proposé à Lang & Bauman de recouvrir la grisaille du bitume par une œuvre colorée qui change profondément l’atmosphère cet environnement typiquement valaisan : « Street Painting #5 ».

En détournant ou révélant des éléments de nos espaces urbains, en réinterprétant les échelles de l’espace public, l’art urbain permet renforcer une dimension animation/appropriation pour des projets urbains qui sont souvent de nouveaux morceaux de ville non encore vécus.

Dans les prochains articles de cette série, d’autres exemples d’art urbain applicables aux projets d’aménagement seront présentés selon leur objectif :

• 3/4 - Permettre l’animation et la concertation au cours du projet
• 4/4 - Enrichir la programmation et/ou de la conception du projet