Le terroir, outil de développement économique

Dans le premier épisode, nous exposions les enjeux relatifs à la réinvention des campagnes françaises, à l’heure de la fin de l’exode rural (dans les espaces à dominante rurale, le rythme de croissance de la population est de 0,7% par an de 1962 à 1999[1]) et du renouveau tant social qu’économique des petites communes. Nous affirmions la nécessité de développer des projets de développement durable dans les espaces ruraux, portés notamment par la spécificité du territoire et du terroir.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, il est important de s’entendre sur le terme « terroir », utilisé dans des acceptions agronomiques, sociales, géographiques selon les besoins. Dans un sens restreint, le terme sert à « identifier des espaces, parfois de petite dimension, à l’échelle parcellaire, présentant une homogénéité naturelle selon leurs aspects pédoclimatiques et biologiques, au potentiel d’exploitation spécifique »[2], d’où un usage fréquent parmi les œnologues. Mais nous considérerons le terroir dans une appréciation plus large, inspirée des sciences sociales, et que résume parfaitement la définition proposée par l’UNESCO : « un terroir est un espace géographique délimité défini à partir d’une communauté humaine qui construit au cours de son histoire un ensemble de traits culturels distinctifs, de savoirs et de pratiques, fondés sur un système d’interactions entre le milieu naturel et les facteurs humains. Les savoir-faire mis en jeu révèlent une originalité, confèrent une typicité et permettent une reconnaissance pour les produits ou services originaires de cet espace et donc pour les hommes qui y vivent » (Terroirs et cultures, 2005). Avec une telle définition, on comprend mieux, à travers l’analyse d’expérimentations sur les territoires ruraux, comment l’on peut voir le terroir au prisme du développement économique, et ainsi penser la « campagne durable ».

La « Marque Parc », le label des terroirs
Pour favoriser l’émergence d’initiatives locales au sein du 5è pilier du développement durable (« une dynamique de développement suivant des modes de production et de consommation responsables »), la ruralité représente un espace de projets intéressant. Outre les formes classiques d’action publique, qui préconisent, au sein des schémas d’urbanisme commercial (portés par exemple par les Pays) de maintenir les commerces de proximité et l’artisanat dans les petites communes, se développent dans certains villages des expérimentations novatrices portés par et avec le développement local.

Les Parcs Naturels Régionaux, conçus dès 1967 pour protéger les espaces ruraux habités, ont mis en place, dans le cadre de leur projet développement durable de territoire, une marque collective. Ainsi, « Parc Naturel Régional » décline, pour chaque structure et à partir de la même charte graphique nationale, une labellisation de produits locaux spécifiques. A ce jour, plus de 150 produits, services ou savoir-faire, impliquant plus de 500 producteurs, prestataires ou entreprises en sont bénéficiaires. L’objectif affiché est bien d’assurer une « identification du territoire » et de venir en « appui du développement local »[3]. La marque agit comme un outil de valorisation des productions locales, par les canaux de communication et la mise en réseau des différents acteurs que fournissent les Parcs.

Par exemple, le PNR du Massif des Bauges a labellisé la viande bovine, le miel, les plantes aromatiques et médicinales, etc. mais également certains équipements et savoir-faire comme les fermes pédagogiques et les gîtes de son territoire, en les valorisant à travers un ensemble de brochures. L’agriculture des terroirs est au cœur du dispositif Marque Parc, comme l’indique le PNR du Vercors, qui insiste dans son discours sur l’authenticité, et affirme que « les produits ou services sont liés à des usages et des savoir-faire locaux, vivants », ou le PNR de l’Avesnois, pour qui « en Avesnois, paysage et savoir-faire sont liés. L’enjeu de la marque Parc est de les valoriser et les préserver tout en gratifiant les producteurs, véritable acteurs du développement durable »[4]. Le terroir devient ainsi la base d’une économie plus durable, fondée sur des formes de consommation locales et les circuits courts.

Le terroir agit ainsi comme une image de marque pour l’ensemble des produits et services locaux, participant de fait au développement économique du territoire, en dynamisant l’activité commerciale des fermiers-producteurs, et en favorisant l’émergence d’un marché pour la consommation de proximité (les « locavores »). Un système qui, aujourd’hui, gagne les villes avec les travaux engagés sur l’agriculture périurbaine, et qui s’apparente également, dans sa philosophie, au modèle de consommation proposé par les AMAPs.
Mais certains Parcs ont décidé d’aller plus loin que l’accompagnement d’une marque. Le PNR de l’Avesnois propose notamment un véritable réseau de boutiques engagées dans la vente de produits locaux.

… L’exemple des Boutiques de l’Avesnois : les ambassadeurs du territoire
Ce réseau, animé par le Parc Naturel Régional de l’Avesnois, propose aux producteurs-fermiers et aux vendeurs de produits locaux d’être « labellisés » afin de bénéficier d’un soutien de la structure en termes de communication. Il existe à ce jour 12 points de vente, la plupart étant localisés dans des villages ou de petites communes. Pour Ludivine Ansseau, Chargée de mission Agriculture Durable au sein du Parc, ce label correspond à une « volonté de mettre en valeur les productions locales de l’Avesnois » et de « promouvoir le territoire ». Les adhérents s’engagent en effet, à travers une convention, à proposer dans leur espace de vente au moins 15 produits locaux, avec un étiquetage spécifique qui permet au consommateur de reconnaître l’authenticité de ses achats. Les Boutiques de l’Avesnois, en l’échange d’un soutien du Parc Naturel, deviennent ainsi de véritables « ambassadeurs du territoire », en proposant un point d’informations sur les activités du Parc et sur les produits locaux.

C’est donc une large opération de dynamisation des activités commerciales et artisanales de l’Avesnois que permet ce réseau de boutiques. « Et il n’y a pas que le maroilles ! » précise Ludivine Ansseau : Chiques de Bavay, confiture, bière des Jonquilles, etc. « les produits proposés sont le reflet des productions agricoles et artisanales du territoire. Les savoir-faire locaux sont donc mis en avant »... Ou quand le terroir et les produits locaux deviennent de véritables outils économiques au service d’un développement rural plus durable. « L’enjeu majeur, c’est de développer les circuits courts, la consommation de proximité, les échanges directs entre consommateurs et producteurs » conclut Ludivine Ansseau. Des objectifs qui s’expriment jusque dans le slogan des Boutiques de l’Avesnois : « ici, le terroir s’exprime avec goût ! ».

Le développement économique issu de la valorisation des ressources locales et du terroir peut même prétendre à un rayonnement régional. La création, en 2004, d’un label pour les produits alimentaires issus du Nord-Pas-de-Calais le montre bien. Les objectifs de Saveurs en’Or sont bien de « contribuer activement au développement de l'économie régionale » et d’« être un vrai levier de vente pour les entreprises adhérentes ». Outre le développement économique direct, le terroir contribue ainsi à renforcer le marketing territorial d’une région, voire même, d’une petite commune...

A suivre !

Plus d’informations sur :
- Les Parcs Naturels Régionaux
- Les Boutiques de l’Avesnois
- Saveurs en’Or

A suivre…

[1] Source : INSEE Première n°726, juillet 2000, d’après RGP 1999
[2] Stéphane Cartier, « Terroirs en nuances », Strates [En ligne], 11  | 2004, mis en ligne le 14 janvier 2005,
[3] Source : Fédération des Parcs Naturels Régionaux de France,
[4] A lire dans « Nous…Vous… Ils… en Avesnois », n°05, mai 2008.