L’art est dans la rue (3/4)
20/12/2011 - Paul-Antoine LECUYER
L’art urbain est un vecteur extraordinaire pour humaniser le processus d’élaboration des projets d’aménagement. Ces derniers sont très souvent perçus comme des objets complexes et techniques. Les habitants, quant à eux, sont considérés comme un stock à prendre en compte dans la programmation : résidents, travailleurs, utilisateurs de transports en commun, consommateurs etc.
Que ce soit à travers l’animation de l’espace comme support de concertation ou tout simplement comme mise en scène des individus du quartier, l’art urbain permet de désacraliser le processus de conception urbaine et de mettre en avant les pratiques spatiales « ordinaires ».
Appropriation artistique temporaire de l’espace
Le foncier disponible avant la réalisation des aménagements peut permettre l’installation d’un collectif artistique. Alors que les projets urbains restent pendant des années des enclaves inaccessibles, il est possible de permettre aux usagers une appropriation des sites en friche avant même leur aménagement. Or, parmi la programmation temporaire envisageable, l’implantation d’une compagnie artistique est l’un des meilleurs moyens de faire vivre une friche urbaine.
On retrouve ce type d’exemple avec l’installation d’une troupe de cirque sur le projet éternellement repoussé de L’ile Seguin à Boulogne-Billancourt (92). « Cirque en Chantier », accompagné d’autres aménagements temporaires, un parc (Michel Desvigne) et un restaurant, donne un premier souffle culturel à L’Ile Seguin qui devient enfin un bout de ville au cadre magnifique, accessible aux habitants.
A bordeaux, le « Hangar métallique » du projet Darwin, grâce à la signature d’une convention d’autorisation d’occupation temporaire avec la CUB et l’association « La 58ème », a pu être investi par de nombreux acteurs du street art et autres cultures urbaines (sports de glisse, danse, musique électronique, hip hop, etc.).
Ce type de démarche se retrouve également dans des projets de renouvellement urbain important comme dans le quartier de la Duchère (Lyon, 69) où le « Projet Sputnik » à vu le jour. L’équipe « Là Hors De » s’est installée au cœur du quartier pour faire de cet « entre-deux temps » que constitue la période de chantier devienne un moment de création et d’échange inédit : systèmes mobiles d’occupation artistique et participative du territoire en mutation, création d’un musée éphémère avant destruction d’un bâtiment (2010), musée Palissadaire qui utilise les palissades de chaniter. La création artistique, a été choisie comme solution ambitieuse, transversale et innovante pour transformer, en premier lieu pour ses habitants, l’image de ce territoire en mutation.
Support pour concertation
À la croisée entre territoire, art et population, certains projets proposent des formes alternatives de concertation. L’art urbain est alors un support pour attirer la curiosité, pour imaginer et fabriquer notre cadre de vie. Avec l'objectif de créer un espace de parole, l’art urbain devient une méthode de mobilisation permettant de redistribuer les rôles. La création artistique devient un prétexte, un « détournement », qui invite les individus en démystifiant la participation citoyenne. L’objectif est alors de faire parler les individus presque « malgré eux » ou de façon détournée. Le « Bruit du Frigo » est devenu l’une des références en matière d’animation artistique des démarches participatives. De nombreux exemples, tous aussi inventifs et innovants, sont détaillés sur leur site Internet.
S’il n’y a pas de méthodologie définie, une résidence permet d’investir un lieu, de lui donner vie, puis une création artistique utopique en lien avec le projet permet d’ouvrir l’imaginaire de montrer l’étendue des possibles. Ensuite, différentes traduction artistiques permettent de formaliser les orientations d’aménagement et de créer du consensus.
Du côté d’Ivry-sur Seine (94), la Ville soutient depuis 2007 la démarche de « Haute Qualité Artistique et Culturelle » qui s’est traduite sur la ZAC du Plateau par le programme TRANS305 et la création d’une sculpture monumentale qui sert à la fois de lieu de présentation et de sensibilisation (belvédère sur le chantier) mais aussi de lieu de création pour des résidences artistiques.
Création mettant en scène les habitants du quartier
La meilleure façon d’humaniser un quartier à travers l’art urbain est peut-être encore de rendre ses habitants visibles. Par exemple, en juin 2011, les habitants du 6ème arrondissement de Paris ont désigné leurs « êtres aimés », des personnalités anonymes qui font la vie du quartier. Ces « élus de cœur » ont vu leur portrait peint en grand format sur les murs du quartier par des artistes de renom : C215, Atma, Rene Almanza et Saner.
Ali Akbar, vendeur de journaux à la criée arrivé en tête des suffrages, Catherine Vérot, charcutière rue Notre-Dame des Champs, et Serge Caillaud, boucher du Marché Saint-Germain sont ainsi devenus à travers l’art urbain les « symboles du lien social » dans le quartier. L’espace urbain est un support original et évident pour parler de ceux qui font la ville, la vie du quartier. Dans les projets d’aménagement, notamment dans le cadre de quartier en renouvellement urbain, la mise en scène des usagers peut être un facteur d’animation, d’échanges, et de renforcement de l’identité du quartier.
Les projets d'éco-quartiers restent encore relativement pauvres en matière de démarches participatives. Or, les possibilités d'association pilotage/concertation/création artistique sont extrêmement riches pour l'élaboration d'un projet urbain. Cela peut même paraitre nécessaire à la mise en place d'une réelle concertation associant de façon plus représentative les habitants, les impliquant de façon plus forte, que dans une classique réunion publique.
Dans le dernier épisode de cette série, la question d’une intégration directe de l’art urbain dans l’élaboration des projets sera abordée dans "Enrichir la programmation et/ou de la conception du projet".
à suivre...
Que ce soit à travers l’animation de l’espace comme support de concertation ou tout simplement comme mise en scène des individus du quartier, l’art urbain permet de désacraliser le processus de conception urbaine et de mettre en avant les pratiques spatiales « ordinaires ».
Appropriation artistique temporaire de l’espace
Le foncier disponible avant la réalisation des aménagements peut permettre l’installation d’un collectif artistique. Alors que les projets urbains restent pendant des années des enclaves inaccessibles, il est possible de permettre aux usagers une appropriation des sites en friche avant même leur aménagement. Or, parmi la programmation temporaire envisageable, l’implantation d’une compagnie artistique est l’un des meilleurs moyens de faire vivre une friche urbaine.
On retrouve ce type d’exemple avec l’installation d’une troupe de cirque sur le projet éternellement repoussé de L’ile Seguin à Boulogne-Billancourt (92). « Cirque en Chantier », accompagné d’autres aménagements temporaires, un parc (Michel Desvigne) et un restaurant, donne un premier souffle culturel à L’Ile Seguin qui devient enfin un bout de ville au cadre magnifique, accessible aux habitants.
A bordeaux, le « Hangar métallique » du projet Darwin, grâce à la signature d’une convention d’autorisation d’occupation temporaire avec la CUB et l’association « La 58ème », a pu être investi par de nombreux acteurs du street art et autres cultures urbaines (sports de glisse, danse, musique électronique, hip hop, etc.).
Ce type de démarche se retrouve également dans des projets de renouvellement urbain important comme dans le quartier de la Duchère (Lyon, 69) où le « Projet Sputnik » à vu le jour. L’équipe « Là Hors De » s’est installée au cœur du quartier pour faire de cet « entre-deux temps » que constitue la période de chantier devienne un moment de création et d’échange inédit : systèmes mobiles d’occupation artistique et participative du territoire en mutation, création d’un musée éphémère avant destruction d’un bâtiment (2010), musée Palissadaire qui utilise les palissades de chaniter. La création artistique, a été choisie comme solution ambitieuse, transversale et innovante pour transformer, en premier lieu pour ses habitants, l’image de ce territoire en mutation.
Support pour concertation
À la croisée entre territoire, art et population, certains projets proposent des formes alternatives de concertation. L’art urbain est alors un support pour attirer la curiosité, pour imaginer et fabriquer notre cadre de vie. Avec l'objectif de créer un espace de parole, l’art urbain devient une méthode de mobilisation permettant de redistribuer les rôles. La création artistique devient un prétexte, un « détournement », qui invite les individus en démystifiant la participation citoyenne. L’objectif est alors de faire parler les individus presque « malgré eux » ou de façon détournée. Le « Bruit du Frigo » est devenu l’une des références en matière d’animation artistique des démarches participatives. De nombreux exemples, tous aussi inventifs et innovants, sont détaillés sur leur site Internet.
S’il n’y a pas de méthodologie définie, une résidence permet d’investir un lieu, de lui donner vie, puis une création artistique utopique en lien avec le projet permet d’ouvrir l’imaginaire de montrer l’étendue des possibles. Ensuite, différentes traduction artistiques permettent de formaliser les orientations d’aménagement et de créer du consensus.
Du côté d’Ivry-sur Seine (94), la Ville soutient depuis 2007 la démarche de « Haute Qualité Artistique et Culturelle » qui s’est traduite sur la ZAC du Plateau par le programme TRANS305 et la création d’une sculpture monumentale qui sert à la fois de lieu de présentation et de sensibilisation (belvédère sur le chantier) mais aussi de lieu de création pour des résidences artistiques.
Création mettant en scène les habitants du quartier
La meilleure façon d’humaniser un quartier à travers l’art urbain est peut-être encore de rendre ses habitants visibles. Par exemple, en juin 2011, les habitants du 6ème arrondissement de Paris ont désigné leurs « êtres aimés », des personnalités anonymes qui font la vie du quartier. Ces « élus de cœur » ont vu leur portrait peint en grand format sur les murs du quartier par des artistes de renom : C215, Atma, Rene Almanza et Saner.
Ali Akbar, vendeur de journaux à la criée arrivé en tête des suffrages, Catherine Vérot, charcutière rue Notre-Dame des Champs, et Serge Caillaud, boucher du Marché Saint-Germain sont ainsi devenus à travers l’art urbain les « symboles du lien social » dans le quartier. L’espace urbain est un support original et évident pour parler de ceux qui font la ville, la vie du quartier. Dans les projets d’aménagement, notamment dans le cadre de quartier en renouvellement urbain, la mise en scène des usagers peut être un facteur d’animation, d’échanges, et de renforcement de l’identité du quartier.
Les projets d'éco-quartiers restent encore relativement pauvres en matière de démarches participatives. Or, les possibilités d'association pilotage/concertation/création artistique sont extrêmement riches pour l'élaboration d'un projet urbain. Cela peut même paraitre nécessaire à la mise en place d'une réelle concertation associant de façon plus représentative les habitants, les impliquant de façon plus forte, que dans une classique réunion publique.
Dans le dernier épisode de cette série, la question d’une intégration directe de l’art urbain dans l’élaboration des projets sera abordée dans "Enrichir la programmation et/ou de la conception du projet".
à suivre...
- Cirque en chantier - source : L’eau qui dort
- Musée Palissadaire – Projet Sputnik
- Les Lieux Possibles – Bruit du Frigo
Commentaires
1 02 février 2012 à 11h40 par Architecte pau 64
Elles sont énorme les photos, juste sublime :-)