L’art est dans la rue (4/4)
17/01/2012 - Paul-Antoine LECUYER
Dans les premiers épisodes, l’art urbain a été abordé comme un élément spontané, souvent éphémère de mise en valeur ou d’accompagnement des projets urbains. Ce dernier épisode s’éloigne de la définition stricte de l’art urbain pour s’intéresser au développement direct et plus institutionnel de ce courant artistique dans la conception et la programmation des projets d’aménagement.
En effet, l’art urbain est de plus en plus perçu comme un élément ayant sa place au sein de la ville. On constate que les projets d’aménagement donnent de plus en plus d’espaces de création et d’expression aux street artistes.
Programmation d’un équipement « art urbain »
Une première « tendance » est la création de lieux d’expression artistique qui n’existaient pas jusqu’maintenant. Un projet urbain est souvent l’occasion de programmer des équipements permettant de rééquilibrer l’offre de services à l’échelle de la ville. Or, l’art urbain manque très souvent d’espaces dédiés à la création et à l’exposition de ses artistes.
L’un des exemples récents les plus médiatisés est l’utilisation des halles des anciens chantiers navals de Nantes. Dans le cadre du projet de L’Ile de Nantes, l’équipe de constructeurs des « Machines » qui est devenue l’un des acteurs majeurs du renouvellement du théâtre de rue et des scénographies urbaines, a trouvé une galerie idéale dans les Nefs, halles qui servaient à la construction navale, pour la conception et l’exposition de leur bestiaire imaginaire. Ils construisent sculptures animales et animées qui « s’échappent de l’atelier pour peupler ce territoire de L’Ile de Nantes en pleine mutation ». Le succès de cet équipement, très vite devenu un élément phare de la vie culturelle nantaise, montre l’intérêt de la population pour un art qui rétroagit avec les espaces quotidiens. La fascination pour ses machines accessibles aux visiteurs mais aussi support de spectacles de rue grandioses est un exemple de bonne intégration de l’équipement dans la vie de la ville.
D’autres projets d’écoquartier, comme Lyon Confluence, laissent à l’initiative privée la création de lieux correspondants à un « besoin d’art urbain » : le bâtiment La Sucrière sur le Quai Raimbaud, est aujourd’hui un équipement culturel « 100% privé » qui propose des événements culturels (la Biennale d’Art Contemporain, spectables/concerts), tandis que les galeristes occupent l’ancien bâtiment des Douanes (lieu culturel 100% privé).
De nombreux projets de renouvellement de friches urbaines offrent des surfaces et des supports intéressants, parfois déjà investis par les street artistes. Ainsi, le projet Darwin à Bordeaux prévoit le regroupement d’artistes et d’acteurs culturels professionnels de l’agglomération bordelaise, autour d’un projet culturel et de développement économique solidaire. Baptisé la « Fabrique POLA », ce lieu résidence, création et exposition sera orienté arts plastiques & visuel. A suivre également, la réhabilitation des bâtiments historiques de la firche industrielle de Fives-Cail à Lille qui sont destinés à des installations artistiques éphémères.
Conception d’espaces publics
L’espace public est par définition le lieu d’expression idéal de l’art urbain. Ainsi, dans les projets d’aménagements, la conception paysagère d’espaces publics s’appuie parfois sur des créations artistiques destinées à mettre en valeur ou révéler la sensibilité d’un lieu. L’art urbain permet par des œuvres éphémères ou pérennes d’animer l’espace, de lui donner une identité plus marquée.
L’exemple contemporain le plus connu est la sculpture d’Anish Kapoor baptisée le « Cloud Gate ». Dans le Millenium Park, en plein cœur de Chicago, le « Haricot » qui reflète et déforme le skyline de la ville est devenu l’un des symboles du quartier d’affaires.
Plus proche d’ici, l’alignement du 21ème siècle créé dans le Parc de Beauregard à Rennes (35), est là aussi une sculpture qui met en scène la ville et l’identité locale. Conçue par Aurélie Nemours, l’œuvre est faite de 72 colonnes de granit qui par leur ombre portée rythment le lieu en rapport à la course du soleil et qui sont un clin d’œil aux alignements mégaltithiques de Carnac et Stonehenge. Voir aussi les « anneaux » du Buren sur le Quai des Antilles à Nantes ou encore les sculptures de Stéphanie Buttier dans le Parc des Géants à Lille.
Même si les artistes sollicités pour la création de ce type d’œuvre monumentale ne sont pas directement issu du mouvement « street art », la démarche reste profondément la même : mettre en scène la ville, proposer un art accessible à tous, donner de la « valeur » aux espaces quotidiens. Les œuvres ici sont un support pour une plus grande lisibilité de l’espace urbain, parfois un symbole qui caractérise l’essence d’un lieu, elles définissent des parcours urbains ludiques.
Œuvre (monumentale) sur bâtiment
La création d’une œuvre monumentale est une façon, au même titre qu’un bâtiment phare, de créer un repère urbain, de marquer l’identité d’un lieu. Or, l’art urbain qui n’est pas confiné aux dimensions des murs d’une galerie s’exprime parfois sur des supports de très grandes tailles (voir les œuvres de BLU ou M-City par exemple).
Les œuvres des street artistes peuvent alors devenir des éléments de patrimoine comme la fresque « Les gars de Ménilmontant » dans le 20ème arrondissement de Paris. En 1995, Jérôme Mesnager exécute la commande de la Ville de Paris d’un mur peint, sur un immeuble de 6 étages, avec une ronde de corps blancs inspirés par la Danse de Matisse. Plus de 15 ans après, la fresque fait partie de l’identité du quartier.
Plus récemment, c’est à la demande à la demande des habitants du quartier de Beaubourg (Paris 4) que Jef Aerosol a réalisé une fresque de 350m² sur un mur aveugle invitant au silence - « Chut ! ». « La ville, ce ne sont pas seulement les sirènes de police et le bruit des moteurs. C'est aussi les cris des enfants, le chant des oiseaux et la mélodie des langues des touristes, nombreux aux abords du Centre Pompidou » explique Jef Aerosol. Dominant une place touristique de Paris qui sert aussi de cour de jeux aux enfants du quartier, l’œuvre de Jef Aerosol est à la fois ludique mais symbolise également la quiétude recherchée par habitants du quartier.
L’intervention du street art comme œuvre monumentale de mise en valeur d’un bâtiment est aussi parfois directement prévue dès la conception. Dans le cadre du projet Mountain dwellings à Copenhague (Danemark), l’agence d’architecture Bjarke Ingels Group (BIG) a demandé à un street artiste d’illustrer le parking silo, ce qu’il a fait avec beaucoup d’(auto)dérision. Victor Ash, l’un des pionniers du street art en Europe, a en effet animé le parking par des fresques appelées « Car Mountains », représentant des animaux sauvages surplombant des montagnes de carcasses de voitures entassées les unes sur les autres.
Tous ces exemples montrent l’étendue des possibilités d’expression de l’art urbain au sein des projets d’aménagements. La création de la ville ne saurait se passer de l’art, et les différents mouvements d’art urbain s’y prêtent assez bien.
En effet, l’art urbain est de plus en plus perçu comme un élément ayant sa place au sein de la ville. On constate que les projets d’aménagement donnent de plus en plus d’espaces de création et d’expression aux street artistes.
Programmation d’un équipement « art urbain »
Une première « tendance » est la création de lieux d’expression artistique qui n’existaient pas jusqu’maintenant. Un projet urbain est souvent l’occasion de programmer des équipements permettant de rééquilibrer l’offre de services à l’échelle de la ville. Or, l’art urbain manque très souvent d’espaces dédiés à la création et à l’exposition de ses artistes.
L’un des exemples récents les plus médiatisés est l’utilisation des halles des anciens chantiers navals de Nantes. Dans le cadre du projet de L’Ile de Nantes, l’équipe de constructeurs des « Machines » qui est devenue l’un des acteurs majeurs du renouvellement du théâtre de rue et des scénographies urbaines, a trouvé une galerie idéale dans les Nefs, halles qui servaient à la construction navale, pour la conception et l’exposition de leur bestiaire imaginaire. Ils construisent sculptures animales et animées qui « s’échappent de l’atelier pour peupler ce territoire de L’Ile de Nantes en pleine mutation ». Le succès de cet équipement, très vite devenu un élément phare de la vie culturelle nantaise, montre l’intérêt de la population pour un art qui rétroagit avec les espaces quotidiens. La fascination pour ses machines accessibles aux visiteurs mais aussi support de spectacles de rue grandioses est un exemple de bonne intégration de l’équipement dans la vie de la ville.
D’autres projets d’écoquartier, comme Lyon Confluence, laissent à l’initiative privée la création de lieux correspondants à un « besoin d’art urbain » : le bâtiment La Sucrière sur le Quai Raimbaud, est aujourd’hui un équipement culturel « 100% privé » qui propose des événements culturels (la Biennale d’Art Contemporain, spectables/concerts), tandis que les galeristes occupent l’ancien bâtiment des Douanes (lieu culturel 100% privé).
De nombreux projets de renouvellement de friches urbaines offrent des surfaces et des supports intéressants, parfois déjà investis par les street artistes. Ainsi, le projet Darwin à Bordeaux prévoit le regroupement d’artistes et d’acteurs culturels professionnels de l’agglomération bordelaise, autour d’un projet culturel et de développement économique solidaire. Baptisé la « Fabrique POLA », ce lieu résidence, création et exposition sera orienté arts plastiques & visuel. A suivre également, la réhabilitation des bâtiments historiques de la firche industrielle de Fives-Cail à Lille qui sont destinés à des installations artistiques éphémères.
Conception d’espaces publics
L’espace public est par définition le lieu d’expression idéal de l’art urbain. Ainsi, dans les projets d’aménagements, la conception paysagère d’espaces publics s’appuie parfois sur des créations artistiques destinées à mettre en valeur ou révéler la sensibilité d’un lieu. L’art urbain permet par des œuvres éphémères ou pérennes d’animer l’espace, de lui donner une identité plus marquée.
L’exemple contemporain le plus connu est la sculpture d’Anish Kapoor baptisée le « Cloud Gate ». Dans le Millenium Park, en plein cœur de Chicago, le « Haricot » qui reflète et déforme le skyline de la ville est devenu l’un des symboles du quartier d’affaires.
Plus proche d’ici, l’alignement du 21ème siècle créé dans le Parc de Beauregard à Rennes (35), est là aussi une sculpture qui met en scène la ville et l’identité locale. Conçue par Aurélie Nemours, l’œuvre est faite de 72 colonnes de granit qui par leur ombre portée rythment le lieu en rapport à la course du soleil et qui sont un clin d’œil aux alignements mégaltithiques de Carnac et Stonehenge. Voir aussi les « anneaux » du Buren sur le Quai des Antilles à Nantes ou encore les sculptures de Stéphanie Buttier dans le Parc des Géants à Lille.
Même si les artistes sollicités pour la création de ce type d’œuvre monumentale ne sont pas directement issu du mouvement « street art », la démarche reste profondément la même : mettre en scène la ville, proposer un art accessible à tous, donner de la « valeur » aux espaces quotidiens. Les œuvres ici sont un support pour une plus grande lisibilité de l’espace urbain, parfois un symbole qui caractérise l’essence d’un lieu, elles définissent des parcours urbains ludiques.
Œuvre (monumentale) sur bâtiment
La création d’une œuvre monumentale est une façon, au même titre qu’un bâtiment phare, de créer un repère urbain, de marquer l’identité d’un lieu. Or, l’art urbain qui n’est pas confiné aux dimensions des murs d’une galerie s’exprime parfois sur des supports de très grandes tailles (voir les œuvres de BLU ou M-City par exemple).
Les œuvres des street artistes peuvent alors devenir des éléments de patrimoine comme la fresque « Les gars de Ménilmontant » dans le 20ème arrondissement de Paris. En 1995, Jérôme Mesnager exécute la commande de la Ville de Paris d’un mur peint, sur un immeuble de 6 étages, avec une ronde de corps blancs inspirés par la Danse de Matisse. Plus de 15 ans après, la fresque fait partie de l’identité du quartier.
Plus récemment, c’est à la demande à la demande des habitants du quartier de Beaubourg (Paris 4) que Jef Aerosol a réalisé une fresque de 350m² sur un mur aveugle invitant au silence - « Chut ! ». « La ville, ce ne sont pas seulement les sirènes de police et le bruit des moteurs. C'est aussi les cris des enfants, le chant des oiseaux et la mélodie des langues des touristes, nombreux aux abords du Centre Pompidou » explique Jef Aerosol. Dominant une place touristique de Paris qui sert aussi de cour de jeux aux enfants du quartier, l’œuvre de Jef Aerosol est à la fois ludique mais symbolise également la quiétude recherchée par habitants du quartier.
L’intervention du street art comme œuvre monumentale de mise en valeur d’un bâtiment est aussi parfois directement prévue dès la conception. Dans le cadre du projet Mountain dwellings à Copenhague (Danemark), l’agence d’architecture Bjarke Ingels Group (BIG) a demandé à un street artiste d’illustrer le parking silo, ce qu’il a fait avec beaucoup d’(auto)dérision. Victor Ash, l’un des pionniers du street art en Europe, a en effet animé le parking par des fresques appelées « Car Mountains », représentant des animaux sauvages surplombant des montagnes de carcasses de voitures entassées les unes sur les autres.
Tous ces exemples montrent l’étendue des possibilités d’expression de l’art urbain au sein des projets d’aménagements. La création de la ville ne saurait se passer de l’art, et les différents mouvements d’art urbain s’y prêtent assez bien.
- « Cloud Gate » - Anish Kapoor
- « Chut ! » - Jef Aerosol
- « Mountain Car » - Victor Ash