Les éco-quartiers pris au piège du « greenwashing » ?
31/01/2012 - Jean-Marc GANCILLE
Dans un article paru fin janvier*, largement repris et diffusé sur les réseaux sociaux, le quotidien Les Echos pointait à juste titre l’essoufflement auquel la dynamique des éco-quartiers semble aujourd’hui être confrontée.
Au-delà des inévitables écueils de phases de conception, les résultats des opérations pionnières laissent en effet de nombreux experts perplexes. En France comme en Europe, le décalage constaté entre l'ambition de départ et la réalité d’aujourd'hui est en effet un peu partout la norme.
Aussi le risque d’un discrédit général est-il aujourd’hui à la mesure des espoirs fondés dans une démarche dont les potentiels en terme de renouvellement urbain faisaient jusqu’ici la quasi unanimité.
Avec son produit phare - les éco-quartiers - le secteur de l’urbanisme aurait-il lui aussi succombé au « greenwashing » et à son inévitable effet bommerang ? La tendance des promoteurs et des collectivités à survaloriser le bénéfice écologique des projets urbains à des fins commerciales ou politiques court-termistes n’est-elle pas l’une des explications possibles du désaveu actuel ? La question est aujourd’hui en droit d’être posée et la réponse paraît malheureusement évidente.
En effet, pour les maîtres d’ouvrage, villes et communautés urbaines en tête, les démarches d’éco-quartiers sont à l’évidence une excellente occasion d’incarner le volontarisme économique, écologique et social des élus en temps de crise. Focaliser l’attention sur des quartiers exemplaires, quitte à en exagérer la portée, relève ainsi de l’intérêt bien compris. Avec le « double effet kiss cool » : profiter d’une opportunité idéale pour témoigner d’une véritable vision politique pour la ville, tout en faisant diversion sur les tensions urbaines qui s’expriment ailleurs sur le territoire.
Côté aménageurs, architectes, promoteurs, opérateurs et autres bureaux d’étude, l’inflation d’arguments écologiques dans les postures d’entreprises relève de la même logique. La dimension emblématique des éco-quartiers permet la mise en exergue d’une véritable responsabilité globale, d’une expertise d’avenir, de l’affichage de certifications et labels différenciants, de la maîtrise de technologies valorisantes, etc.
Malheureusement les abus d’allégations environnementales sont aujourd’hui d’autant plus criants, et déceptifs, qu’ils peuvent s’évaluer à l’aune de la complexité de mise en œuvre et aux résultats mitigés des premières opérations. Un discours plus mesuré, reconnaissant les aléas de démarches pionnières et l’impératif du temps long pour en mesurer les effets, aurait été plus approprié... et surtout plus responsable pour ne pas « tuer dans l’œuf » un concept indiscutablement prometteur.
Au-delà de ce risque bien réel, l’opportunisme politique et commercial outrancier dont pâtit l’éco-quartier révèle également un autre danger plus préoccupant encore si nous ne parvenions à le désamorcer au plus vite : le fait de ne résumer le caractère durable d’un quartier qu’à l’aune de ses innovations technologiques et de ses performances théoriques, sans tenir compte de leurs conséquences sur les usages et comportements des futurs habitants.
Or c’est bien de l’appropriation de ces lieux que résultera le succès d’un éco-quartier en terme de mixité sociale, de bien-être, de réduction de l’impact environnemental des modes de vie. Malgré les retours d’expériences des pays nordiques pionniers en la matière, le parent pauvre de l’éco-quartier reste encore et toujours ses habitants dont on suppose visiblement toujours que les comportements s’adapteront automatiquement à l’environnement prétendument vertueux qu’on leur réserve. Du greenwashing, passerions-nous au social washing ?
Placer l’humain au centre des démarches d’éco-quartiers est désormais un impératif si l’on ne veut pas aller au devant de nouvelles déconvenues.
* « Les écoquartiers peinent à sortir de terre”, Les Echos - 18 janvier 2011
Au-delà des inévitables écueils de phases de conception, les résultats des opérations pionnières laissent en effet de nombreux experts perplexes. En France comme en Europe, le décalage constaté entre l'ambition de départ et la réalité d’aujourd'hui est en effet un peu partout la norme.
Aussi le risque d’un discrédit général est-il aujourd’hui à la mesure des espoirs fondés dans une démarche dont les potentiels en terme de renouvellement urbain faisaient jusqu’ici la quasi unanimité.
Avec son produit phare - les éco-quartiers - le secteur de l’urbanisme aurait-il lui aussi succombé au « greenwashing » et à son inévitable effet bommerang ? La tendance des promoteurs et des collectivités à survaloriser le bénéfice écologique des projets urbains à des fins commerciales ou politiques court-termistes n’est-elle pas l’une des explications possibles du désaveu actuel ? La question est aujourd’hui en droit d’être posée et la réponse paraît malheureusement évidente.
En effet, pour les maîtres d’ouvrage, villes et communautés urbaines en tête, les démarches d’éco-quartiers sont à l’évidence une excellente occasion d’incarner le volontarisme économique, écologique et social des élus en temps de crise. Focaliser l’attention sur des quartiers exemplaires, quitte à en exagérer la portée, relève ainsi de l’intérêt bien compris. Avec le « double effet kiss cool » : profiter d’une opportunité idéale pour témoigner d’une véritable vision politique pour la ville, tout en faisant diversion sur les tensions urbaines qui s’expriment ailleurs sur le territoire.
Côté aménageurs, architectes, promoteurs, opérateurs et autres bureaux d’étude, l’inflation d’arguments écologiques dans les postures d’entreprises relève de la même logique. La dimension emblématique des éco-quartiers permet la mise en exergue d’une véritable responsabilité globale, d’une expertise d’avenir, de l’affichage de certifications et labels différenciants, de la maîtrise de technologies valorisantes, etc.
Malheureusement les abus d’allégations environnementales sont aujourd’hui d’autant plus criants, et déceptifs, qu’ils peuvent s’évaluer à l’aune de la complexité de mise en œuvre et aux résultats mitigés des premières opérations. Un discours plus mesuré, reconnaissant les aléas de démarches pionnières et l’impératif du temps long pour en mesurer les effets, aurait été plus approprié... et surtout plus responsable pour ne pas « tuer dans l’œuf » un concept indiscutablement prometteur.
Au-delà de ce risque bien réel, l’opportunisme politique et commercial outrancier dont pâtit l’éco-quartier révèle également un autre danger plus préoccupant encore si nous ne parvenions à le désamorcer au plus vite : le fait de ne résumer le caractère durable d’un quartier qu’à l’aune de ses innovations technologiques et de ses performances théoriques, sans tenir compte de leurs conséquences sur les usages et comportements des futurs habitants.
Or c’est bien de l’appropriation de ces lieux que résultera le succès d’un éco-quartier en terme de mixité sociale, de bien-être, de réduction de l’impact environnemental des modes de vie. Malgré les retours d’expériences des pays nordiques pionniers en la matière, le parent pauvre de l’éco-quartier reste encore et toujours ses habitants dont on suppose visiblement toujours que les comportements s’adapteront automatiquement à l’environnement prétendument vertueux qu’on leur réserve. Du greenwashing, passerions-nous au social washing ?
Placer l’humain au centre des démarches d’éco-quartiers est désormais un impératif si l’on ne veut pas aller au devant de nouvelles déconvenues.
* « Les écoquartiers peinent à sortir de terre”, Les Echos - 18 janvier 2011
Commentaires
1 31 janvier 2012 à 11h02 par Céline
Le problème de ces abus ne vient-il pas du fait que la promotion de ces éco-quartiers n'est pas suffisamment réglementée? Un label affiché devrait être un label officiel, non auto-décerné mais validé par un comité indépendant. Les chiffres annoncés devraient être vérifiables et vérifiés, toujours pas un organisme tiers. Même dans le bâtiment, on en devient à être éco-sceptique!
2 31 janvier 2012 à 12h02 par isalurba
L'habitant au cœur des usages... voilà une vraie piste de solution.
Je suis architecte urbaniste travaillant sur l'étalement urbain et sur les moyens de lutter contre cette tendance voire à tenter de l'inverser.
De mon point de vue, la programmation initiale de ces nouveaux quartiers est malheureusement complètement détachée des enjeux des modes d'habiter et des envies/besoin des nouveaux habitants d'une agglomération.
Intégrer des réflexions comme les coopératives d'habitants, rendre possible la concertation mais aussi le travail de programmation avec eux est la base du processus d'appropriation.
3 02 février 2012 à 11h34 par Architecte de Pau
C'est pareil pour moi isalurba
4 08 février 2012 à 08h07 par breih
Certains bâtiments dans les nouvelles réalisations ne sont pas à la hauteur du tapage médiatique réalisé lors de la construction .... La Courrouze à Rennes est superbe exemple
5 11 février 2012 à 21h37 par Jul
Si la France veut agir en terme d'environnement (économies d'énergie dans les bâtiments) il faudrait déja réaliser des études avec des outils fiables.
Je m'explique lorsque l'on étudie un projet de bâtiment HQE ou THPE ou encore BBC même RT2012, je suis désolé mais c'est mentir aux gens sur les consommations futures c'est de la m....!
Effectivement, aujourd'hui le seul logiciel qui permet de construire un bâtiment sans chauffage et le logiciel PHPP!
Vous vous n'êtes jamais demandé pourquoi en France il n'y a quasiment pas de maison sans chauffage?
Alors que cela devrait être la norme en 2012 en France? Pourquoi les Allemand, Autrichiens,Belges y arrivent t'ils?? Je vous le dis moi, ils ont les bons outils c'est tout!
Tant que les gouvernements, lobbys intégrerons autant les logiciels c'est peine perdu!
Sauf pour des gens comme moi qui se sont formé à l'étrangers et qui ont vu du pays!!!
A bon entendeurs.