Les crises actuelles réinterrogent-elles la densité urbaine et les transports collectifs lourds ?
Dans les grandes agglomérations françaises, les écoquartiers sont souvent très denses. La collectivité achète en effet le foncier très cher, et une haute densité s’impose ensuite pour équilibrer l’opération. Écologiquement, la densité est d’ailleurs souhaitable, notamment pour qu’un même linéaire de voirie et réseaux divers desserve un grand nombre d’habitants et d’employés et pour que la fréquentation des transports en commun soit forte. Il est habituel d’implanter ces quartiers le long d’axes lourds, de métro ou de tramway, voire de prolonger ces réseaux pour l’occasion.
Or ce fonctionnement atteint aujourd’hui ses limites : construire une ligne de tramway coûte très cher (10-20 M€/km), une ligne de métro plus encore (30 à 80 M€/km). La plupart des grandes agglomérations limitent désormais leurs projets de transports guidés au profit de bus ou de trolleybus à haut niveau de service, moins coûteux (6 à 10 M€/km sur les sections en site propre). Les collectivités locales ne parviennent d’ailleurs plus à emprunter des sommes conséquentes à des taux acceptables du fait notamment de la situation de Dexia. Sauf révolution dans le financement des transports collectifs, il sera donc délicat de construire des lignes lourdes dans les années qui viennent.
Or les fortes densités des écoquartiers (100 logements/ha sur la ZAC De Bonne de Grenoble, autant à Toulouse-Cartoucherie, sans compter les services, commerces et emplois attendus), s’accommoderaient mal de lignes de bus à haut niveau de service. Un bus, même articulé, offre une capacité beaucoup plus faible que celle d’une rame de tramway. Il faudrait donc augmenter très fortement la fréquence, c'est-à-dire les moyens humains, pour desservir par du BHNS une ville dont la densité justifierait du tramway ou du métro.
En clair, on retrouverait en fonctionnement les dépenses qu’on aurait voulu éviter en investissement.
Posons l’hypothèse suivante : les grandes agglomérations, dans l’incapacité d’emprunter pour financer des extensions de leurs réseaux de métro ou de tramway, ne sauront plus desservir une ville très dense et devront donc prévoir des écoquartiers moins compacts. Cette hypothèse invite clairement à la contradiction : une économie réalisée ici ne se traduit-elle pas par une autre dépense ailleurs ? Mais filons là tout de même... L’écoquartier Vauban de Fribourg-en-Brisgau, qui fait référence en Europe, est deux fois moins dense que les écoquartiers français actuellement réalisés ou en passe de l’être. Cela présente au moins deux avantages : il est possible d’y réaliser des maisons en bande (R+2), et les surfaces d’espaces verts sont abondantes.
En France, il n’est pas rare que les riverains de projets d’écoquartiers s’insurgent contre la densité que l’on compte leur imposer comme voisinage, protestent contre des perspectives d’immeubles dominant leurs villas, redoutent les flux générés et au final réussissent à bloquer les projets. D’ailleurs, pour atteindre de telles densités, il existe peu d’autres possibilités que de recourir à des promoteurs qui proposent encore trop souvent une qualité de bâti en effet discutable. Si certaines familles fuient la ville pour la périphérie, outre les considérations économiques très prégnantes, c’est aussi pour trouver une densité moins forte, plus de terrain...
Le terrain, c’est aussi dans les années à venir la faculté de produire à nouveau des légumes en ville, des fruits, voire de développer du petit élevage. La très forte densité des écoquartiers actuels serait difficile à concilier avec un retour à l’esprit des cités-jardins.
Pouvons-nous concevoir des écoquartiers constitués de maisons en bandes et de petit collectif, en structure bois ou légère, plutôt que de grands îlots, souvent en béton, sur-sécurisés... ? De nombreux jardins, partagés, familiaux ou confiés à des agriculteurs professionnels plutôt que d’espaces verts internes aux îlots et peu valorisés ? Les collectivités locales en ont-elle les moyens ? La réponse n’est pas simple, tant il est vrai que des surfaces considérables ont été « gaspillées » pour y construire du pavillonnaire. Mais tout de même, le prix très élevé auquel les collectivités achètent le foncier de leurs futurs écoquartier dépend notamment de ce qu’elles autorisent à y construire dessus de par leur PLU. N’autoriser qu’une densité plus faible, c’est baisser le prix du terrain.
Cette ville-là, moins dense, mieux acceptée par ses riverains et mieux vécue par ses habitants, ne pourrait-elle se contenter d’une offre de transports en commun moins lourde, de type bus à haut niveau de service plutôt que tramway, et que les collectivités auront donc encore les moyens de s’offrir ?
Ce billet a plutôt la prétention d’ouvrir le débat que d’y apporter une réponse définitive.
Or ce fonctionnement atteint aujourd’hui ses limites : construire une ligne de tramway coûte très cher (10-20 M€/km), une ligne de métro plus encore (30 à 80 M€/km). La plupart des grandes agglomérations limitent désormais leurs projets de transports guidés au profit de bus ou de trolleybus à haut niveau de service, moins coûteux (6 à 10 M€/km sur les sections en site propre). Les collectivités locales ne parviennent d’ailleurs plus à emprunter des sommes conséquentes à des taux acceptables du fait notamment de la situation de Dexia. Sauf révolution dans le financement des transports collectifs, il sera donc délicat de construire des lignes lourdes dans les années qui viennent.
Or les fortes densités des écoquartiers (100 logements/ha sur la ZAC De Bonne de Grenoble, autant à Toulouse-Cartoucherie, sans compter les services, commerces et emplois attendus), s’accommoderaient mal de lignes de bus à haut niveau de service. Un bus, même articulé, offre une capacité beaucoup plus faible que celle d’une rame de tramway. Il faudrait donc augmenter très fortement la fréquence, c'est-à-dire les moyens humains, pour desservir par du BHNS une ville dont la densité justifierait du tramway ou du métro.
En clair, on retrouverait en fonctionnement les dépenses qu’on aurait voulu éviter en investissement.
Posons l’hypothèse suivante : les grandes agglomérations, dans l’incapacité d’emprunter pour financer des extensions de leurs réseaux de métro ou de tramway, ne sauront plus desservir une ville très dense et devront donc prévoir des écoquartiers moins compacts. Cette hypothèse invite clairement à la contradiction : une économie réalisée ici ne se traduit-elle pas par une autre dépense ailleurs ? Mais filons là tout de même... L’écoquartier Vauban de Fribourg-en-Brisgau, qui fait référence en Europe, est deux fois moins dense que les écoquartiers français actuellement réalisés ou en passe de l’être. Cela présente au moins deux avantages : il est possible d’y réaliser des maisons en bande (R+2), et les surfaces d’espaces verts sont abondantes.
En France, il n’est pas rare que les riverains de projets d’écoquartiers s’insurgent contre la densité que l’on compte leur imposer comme voisinage, protestent contre des perspectives d’immeubles dominant leurs villas, redoutent les flux générés et au final réussissent à bloquer les projets. D’ailleurs, pour atteindre de telles densités, il existe peu d’autres possibilités que de recourir à des promoteurs qui proposent encore trop souvent une qualité de bâti en effet discutable. Si certaines familles fuient la ville pour la périphérie, outre les considérations économiques très prégnantes, c’est aussi pour trouver une densité moins forte, plus de terrain...
Le terrain, c’est aussi dans les années à venir la faculté de produire à nouveau des légumes en ville, des fruits, voire de développer du petit élevage. La très forte densité des écoquartiers actuels serait difficile à concilier avec un retour à l’esprit des cités-jardins.
Pouvons-nous concevoir des écoquartiers constitués de maisons en bandes et de petit collectif, en structure bois ou légère, plutôt que de grands îlots, souvent en béton, sur-sécurisés... ? De nombreux jardins, partagés, familiaux ou confiés à des agriculteurs professionnels plutôt que d’espaces verts internes aux îlots et peu valorisés ? Les collectivités locales en ont-elle les moyens ? La réponse n’est pas simple, tant il est vrai que des surfaces considérables ont été « gaspillées » pour y construire du pavillonnaire. Mais tout de même, le prix très élevé auquel les collectivités achètent le foncier de leurs futurs écoquartier dépend notamment de ce qu’elles autorisent à y construire dessus de par leur PLU. N’autoriser qu’une densité plus faible, c’est baisser le prix du terrain.
Cette ville-là, moins dense, mieux acceptée par ses riverains et mieux vécue par ses habitants, ne pourrait-elle se contenter d’une offre de transports en commun moins lourde, de type bus à haut niveau de service plutôt que tramway, et que les collectivités auront donc encore les moyens de s’offrir ?
Ce billet a plutôt la prétention d’ouvrir le débat que d’y apporter une réponse définitive.
- Maisons en bande dans l’écoquartier Vauban à Fribourg, qui comprend aussi beaucoup de collectif
- Maisons en bande dans l’écoquartier Vauban à Fribourg, qui comprend aussi beaucoup de collectif
Commentaires
1 29 mars 2012 à 09h17 par Jean
Bonjour,
La question de la densité de la ville introduit d'abord la question du profil des habitants. Il est plus facile de faire vivre ensemble des personnes à un certain niveau de revenus plutôt que des personnes à bas revenus.
Le quartie de Vauban qui est très souvent montré en exemple est pour moi l'antithèse du développement durable : certes tout est HQE, fonctionnel, piéton mais quelle est la proportion de personnes d'origine populaire : très peu. L'environnement sans le social en quelques sortes. A cela s'ajoute le prix de tels quartiers pour la collectivité qui permettrait de financer beaucoup de logements sociaux de bonne qualité. Faire des éco-quartiers c'est bien, que ca profite à tous (et pas à une minorité) c'est encore mieux.
On peut arguer que les éco-quartiers laissent la place à du logement social : est-ce avéré dans l'occupation ? quel est le cout de la vie dans un éco-quartier ? De plus les emplois développés dans les éco-quartiers sont-ils en rapport avec les compétences de personnes à niveau de diplôme peu élevé ? Une étude sur le profil des habtiants des éco-quartiers serait très instructive.
2 08 avril 2012 à 12h04 par corinne
Bonjour
Merci Jean pour ce commentaire que je partage..Aujourd'hui dans le fond et la forme "L'esprit éco quartier" s'est perdu au profit de la pression foncière.
Dans l'idée de réparer les erreurs du passé et transformer depolluer d'anciennes friches industrielles j'étais pour,faire entrer la nature en ville j'étais pour.Aujourd'hui dans les projets d'éco quartiers se sont engouffrés les promoteurs .Ces nouveaux projets sont la plupart du temps non pas en dent creuse dans des secteurs urbanisés ,mais en étalement urbain ,au détriment de zones naturelle,boisées ou agricole.Ce qui implique des extension de réseaux et cause une augmentation de déplacements de population.Contrairement aux principes de bases du grenelle la ville ne se reconstruit plus sur elle même mais au détriment des zones périurbaines.Des plus les bâtiments dont on nous vante tant les performances sont loin d’être économes(voir retour d'experiences sur la ZAC de Grenoble .
3 09 septembre 2015 à 14h30 par looool
jean t un raciste politique