Affichage publicitaire : pour une sanctuarisation des éco-quartiers
11/05/2012 - Jean-Marc GANCILLE
Il aura fallu un peu plus d’un an aux afficheurs pour mettre le coup de grâce à la « réforme de la réglementation applicable à la publicité extérieure » et discréditer encore un peu plus un Grenelle de l’Environnement progressivement vidé de toute substance.
En obtenant un délai de six ans au lieu de deux pour se mettre en conformité avec tout nouveau règlement sur les panneaux de publicités et les enseignes, les professionnels de l’affichage ont obtenu gain de cause face aux associations de protection de l’environnement.
Un recul manifeste du gouvernement sous la pression des lobbies
Les ONG, au premier rang desquelles Paysages de France, luttent depuis des années pour limiter l’envahissement de l’espace public par la publicité et l’enlaidissement du paysage par les panneaux et les enseignes. Malgré leurs réserves initiales, le décret paru le 31 janvier 2011 au Journal officiel dans le cadre du Grenelle reconnaissait implicitement la pertinence de leurs revendications et suscitait même l’enthousiasme de la ministre de l'écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet qui déclarait alors : "La fin des couloirs publicitaires dans les entrées de ville est en passe de devenir une réalité. (...) Cette réglementation va enfin stopper la lente dégradation de nos paysages urbains et péri-urbains et améliorer notre cadre de vie et l'image même de nos villes".
Grâce à l’amendement Warsmann discrètement voté fin mars 2012, les députés en ont décidé autrement. Pourront donc continuer à être installés massivement des enseignes murales géantes ainsi que des centaines de milliers de panneaux publicitaires "4x3" scellés au sol, et cela jusque dans les parcs naturels régionaux (PNR), les secteurs sauvegardés, le champ de visibilité des monuments historiques, les zones de protection du patrimoine urbain et paysager, etc.
Paysages de France fulmine et dénonce l'assassinat du Grenelle incombant à "un gouvernement qui s'est fait le complice attentif du travail de sape poursuivi par les afficheurs depuis plus d'un an". Pour le Collectif des déboulonneurs, parmi "les reculs les plus flagrants" figurent les écrans numériques de grand format de 8 m2, de même que le mobilier urbain, qui n'est pas concerné par l'extinction pour les économies d'énergie et pourra supporter de la publicité numérique.
Face au recul manifeste du gouvernement sous la pression des lobbies, les collectivités soucieuses d’encadrer la progression de la publicité dans l’espace public, semblent démunies. La Mairie de Paris aura mis 10 ans à imposer un nouveau règlement local de la publicité visant à faire de paris une zone de « publicité restreinte » qui, voté en décembre 2009, aurait permis de réduire en trois ans d’un tiers le nombre de panneaux publicitaires (1). Elle devra maintenant attendre six ans pour en voir les premiers résultats...
Faut-il se résigner à voir les panneaux publicitaires continuer à fleurir dans les villes jusqu’en 2018 ?
Collectivités volontaires et associations militantes attendent de pied ferme le nouveau gouvernement afin qu’il invalide les dispositions illégales qui ont été votées et soumette au Parlement un retour à un délai de mise en conformité de deux ans. Sans attendre cette éventualité, Paysage de France a d’ores et déjà pris les devants et déposé un recours devant le Conseil d’État qui avait validé le décret d’application.
L’ouverture prochaine d’une « Conférence environnementale » annoncée par Marie-Hélène Aubert, conseillère "Environnement, développement durable et énergie" auprès de François Hollande, permet d’espérer une reprise plus positive de ce dossier, avec l’arbitrage d’un « comité national indépendant ».
Avant que ne reprenne le processus de dialogue avec le société civile, indispensable à la transition écologique souhaitée, nous voulons soumettre une proposition à notre connaissance inédite sur ce dossier de l’affichage publicitaire : celle d’une sanctuarisation des éco-quartiers face à la pression publicitaire.
Libérons les éco-quartiers de l’affichage publicitaire
Véritables laboratoires de la ville durable, les éco-quartiers constituent les avant-postes d’un processus d’urbanisation durable. Conçus selon les méthodes et technologies les plus avancées en matière de performance environnementale, ces « morceaux de ville » sont censés encourager des modes de vie plus conformes aux exigences de l’époque : sobriété énergétique, consommation responsable, déplacements doux, réduction des déchets, renforcement du lien social...
Il suffit de traverser n’importe quelle métropole française pour constater une contradiction profonde entre ces exigences de frugalité et de solidarité et la boulimie consumériste et égotique de la majorité des messages publicitaires présents dans l’espace public.
Puisqu’il est permis d’espérer que les maires auront de nouveau la possibilité d’adapter la réglementation nationale aux spécificités de leur territoire, pourquoi ne pas introduire dans les règlements locaux de publicité de nouvelles dispositions relatives au contexte spécifique des éco-quartiers reconnus comme tels par le Ministère de l’Environnement ?
Après tout l’expérience a été tentée ailleurs et à plus grande échelle ! Au Brésil, Sao Paulo a adopté une attitude radicale vis-à-vis de la publicité : depuis le 1er janvier 2007, elle a banni toutes les affiches des rues, une première mondiale. Voté sous l’impulsion du maire, le décret municipal se veut un simple acte de bon sens pour lutter contre la pollution visuelle. En lieu et place des façades épurées (5 millions de panneaux ont été retirés !) fleurissent désormais des graffs, sculptures, photographies..... Véritable vitrine de la mégapole brésilienne, dénué de toute arrière-pensée idéologique, le règlement local de publicité est aujourd’hui plébiscité par la population qui n’entend plus revenir en arrière.
A l’image de Sao Paulo, et parce que cette disposition s’inscrit en totale cohérence avec les enjeux d’un éco-quartier (intégration environnementale, usages responsables, innovation), bannir les panneaux publicitaires des éco-quartiers français relève également du bon sens et de la cohérence.
Quel élu sera le premier à oser ?
(1) Ce règlement prévoyait la disparition des panneaux 4x3, la réduction de la taille maximale des affiches, passant de 12 mètres carrés à 8 mètres carrés. Paris comptait en 2009 près de 2350 panneaux de 8 et 12 mètres carrés, dont plus de la moitié en 12 mètres carrés.
En obtenant un délai de six ans au lieu de deux pour se mettre en conformité avec tout nouveau règlement sur les panneaux de publicités et les enseignes, les professionnels de l’affichage ont obtenu gain de cause face aux associations de protection de l’environnement.
Un recul manifeste du gouvernement sous la pression des lobbies
Les ONG, au premier rang desquelles Paysages de France, luttent depuis des années pour limiter l’envahissement de l’espace public par la publicité et l’enlaidissement du paysage par les panneaux et les enseignes. Malgré leurs réserves initiales, le décret paru le 31 janvier 2011 au Journal officiel dans le cadre du Grenelle reconnaissait implicitement la pertinence de leurs revendications et suscitait même l’enthousiasme de la ministre de l'écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet qui déclarait alors : "La fin des couloirs publicitaires dans les entrées de ville est en passe de devenir une réalité. (...) Cette réglementation va enfin stopper la lente dégradation de nos paysages urbains et péri-urbains et améliorer notre cadre de vie et l'image même de nos villes".
Grâce à l’amendement Warsmann discrètement voté fin mars 2012, les députés en ont décidé autrement. Pourront donc continuer à être installés massivement des enseignes murales géantes ainsi que des centaines de milliers de panneaux publicitaires "4x3" scellés au sol, et cela jusque dans les parcs naturels régionaux (PNR), les secteurs sauvegardés, le champ de visibilité des monuments historiques, les zones de protection du patrimoine urbain et paysager, etc.
Paysages de France fulmine et dénonce l'assassinat du Grenelle incombant à "un gouvernement qui s'est fait le complice attentif du travail de sape poursuivi par les afficheurs depuis plus d'un an". Pour le Collectif des déboulonneurs, parmi "les reculs les plus flagrants" figurent les écrans numériques de grand format de 8 m2, de même que le mobilier urbain, qui n'est pas concerné par l'extinction pour les économies d'énergie et pourra supporter de la publicité numérique.
Face au recul manifeste du gouvernement sous la pression des lobbies, les collectivités soucieuses d’encadrer la progression de la publicité dans l’espace public, semblent démunies. La Mairie de Paris aura mis 10 ans à imposer un nouveau règlement local de la publicité visant à faire de paris une zone de « publicité restreinte » qui, voté en décembre 2009, aurait permis de réduire en trois ans d’un tiers le nombre de panneaux publicitaires (1). Elle devra maintenant attendre six ans pour en voir les premiers résultats...
Faut-il se résigner à voir les panneaux publicitaires continuer à fleurir dans les villes jusqu’en 2018 ?
Collectivités volontaires et associations militantes attendent de pied ferme le nouveau gouvernement afin qu’il invalide les dispositions illégales qui ont été votées et soumette au Parlement un retour à un délai de mise en conformité de deux ans. Sans attendre cette éventualité, Paysage de France a d’ores et déjà pris les devants et déposé un recours devant le Conseil d’État qui avait validé le décret d’application.
L’ouverture prochaine d’une « Conférence environnementale » annoncée par Marie-Hélène Aubert, conseillère "Environnement, développement durable et énergie" auprès de François Hollande, permet d’espérer une reprise plus positive de ce dossier, avec l’arbitrage d’un « comité national indépendant ».
Avant que ne reprenne le processus de dialogue avec le société civile, indispensable à la transition écologique souhaitée, nous voulons soumettre une proposition à notre connaissance inédite sur ce dossier de l’affichage publicitaire : celle d’une sanctuarisation des éco-quartiers face à la pression publicitaire.
Libérons les éco-quartiers de l’affichage publicitaire
Véritables laboratoires de la ville durable, les éco-quartiers constituent les avant-postes d’un processus d’urbanisation durable. Conçus selon les méthodes et technologies les plus avancées en matière de performance environnementale, ces « morceaux de ville » sont censés encourager des modes de vie plus conformes aux exigences de l’époque : sobriété énergétique, consommation responsable, déplacements doux, réduction des déchets, renforcement du lien social...
Il suffit de traverser n’importe quelle métropole française pour constater une contradiction profonde entre ces exigences de frugalité et de solidarité et la boulimie consumériste et égotique de la majorité des messages publicitaires présents dans l’espace public.
Puisqu’il est permis d’espérer que les maires auront de nouveau la possibilité d’adapter la réglementation nationale aux spécificités de leur territoire, pourquoi ne pas introduire dans les règlements locaux de publicité de nouvelles dispositions relatives au contexte spécifique des éco-quartiers reconnus comme tels par le Ministère de l’Environnement ?
Après tout l’expérience a été tentée ailleurs et à plus grande échelle ! Au Brésil, Sao Paulo a adopté une attitude radicale vis-à-vis de la publicité : depuis le 1er janvier 2007, elle a banni toutes les affiches des rues, une première mondiale. Voté sous l’impulsion du maire, le décret municipal se veut un simple acte de bon sens pour lutter contre la pollution visuelle. En lieu et place des façades épurées (5 millions de panneaux ont été retirés !) fleurissent désormais des graffs, sculptures, photographies..... Véritable vitrine de la mégapole brésilienne, dénué de toute arrière-pensée idéologique, le règlement local de publicité est aujourd’hui plébiscité par la population qui n’entend plus revenir en arrière.
A l’image de Sao Paulo, et parce que cette disposition s’inscrit en totale cohérence avec les enjeux d’un éco-quartier (intégration environnementale, usages responsables, innovation), bannir les panneaux publicitaires des éco-quartiers français relève également du bon sens et de la cohérence.
Quel élu sera le premier à oser ?
(1) Ce règlement prévoyait la disparition des panneaux 4x3, la réduction de la taille maximale des affiches, passant de 12 mètres carrés à 8 mètres carrés. Paris comptait en 2009 près de 2350 panneaux de 8 et 12 mètres carrés, dont plus de la moitié en 12 mètres carrés.
- sao-paulo copyright tony de marco
Commentaires
1 11 mai 2012 à 09h34 par Julien
Merci Jean-Marc de pointer une nouvelle fois du doigt les belles promesses enterrées du Grenelle de l'environnement. Pour ma part je ne suis pas pour l'éradication totale mais une gestion intelligente de la publicité dans ces nouvelles zones.
Ne permettre que des pubs d'intérêt général et d'informations (ouvertes aux ong - service de l'état - santé publique, etc.)... un peu ce qui se fait sur les antennes de Radio France (même si ça dérive parfois un peu sur du pur commercial sous couvert de mutualisme ou autres). Autre idée, n'ouvrir ces espaces qu'aux commerçants implantés dans l'éco-quartiers lui-même... pour favoriser l'achat de proximité et servir ainsi l'éco-système local.
Enfin, que les panneaux ou plutôt écrans soient intégrés au bâti (abris bus - abris vélo - toilettes publiques etc.) pour ne pas construire des supports qui ne seraient que publibicitaires... et proposer des périodes réservées à la promotion des créations artistiques...
bref ne pas s'interdire d'imaginer des choses.
2 11 mai 2012 à 09h43 par TROTANDGO
Et pourtant des solutions éco-responsables existent à l'image de la TROTANDGO qui propose des dispositifs éphémères et éco-responsables.
Les publicitaires ont toujours tendance à privilégier les solutions ' ancestrales ' que sont les panneaux d'affichage...
3 11 mai 2012 à 09h44 par TROTANDGO
Et pourtant des solutions éco-responsables existent à l'image de la TROTANDGO qui propose des dispositifs éphémères et éco-responsables.
Les publicitaires ont toujours tendance à privilégier les solutions ' ancestrales ' que sont les panneaux d'affichage...
4 11 mai 2012 à 12h16 par Céline
Petite remarque à TROTANDGO qui vient faire sa pub: pour moi votre solution de remorque publicitaire n'est pas une réponse à l'affichage intempestif, elle participe au contraire à la pollution visuelle.
Certes votre trottinette électrique ne fait pas de bruit et ne rejette pas de CO2 (quoi que je ne suis pas de cet avis car l'électricité il faut bien la fabriquer, mais ceci est un autre débat), mais visuellement le concept est peu respectueux de l'environnement visuel et de la population. Je m'imagine me balader tranquillement sur les quais de la Garonne ou dans un éco-quartier, et être e****** par vos trottinettes... je préfère de loin un affichage classique ou une personne distribuant des prospectus qui sera... à pieds.
5 16 mai 2012 à 14h48 par cmb
contributions et contradictions :
- un éco-quartier n'est pas un sanctuaire (ou alors on entre dans ces logiques détestables de quartiers protégés), c'est d'abord un quartier de la ville ; la démarche de limitation de la pollution visuelle ne peut/doit pas y être spécifique ;
- la pub et l'affichage ne sont pas les ennemis de la durabilité ;
- certes il faut diminuer et limiter l'affichage, mais le cadre juridique de l'urbanisme commercial est bien plus coupable de l'enlaidissement et de l'uniformisation de (toutes) nos entrées de villes que les réglements en matière d'affichage.
6 19 mai 2012 à 22h51 par Paysages
Bravo pour cet article. Malheureusement, pour Sao-Paulo, l'embellie n'aura été que de courte durée : les panneaux publicitaires sont revenus en force dans cette ville.
7 21 mai 2012 à 18h51 par Jean-Marc GANCILLE
Merci à tous pour vos réactions. Cet article, un peu provocateur, n'a vocation qu'à ouvrir le champ des possibles, considérant que la réflexion sur la ville durable nous permet d'espérer des pratiques différentes de celles dont souffre la ville aujourd'hui, en l'espèce l'envahissement publicitaire. Je revendique le terme assez fort de "sanctuarisation" de ce point de vue là uniquement, étant bien entendu que toute forme de getthoïsation est à proscrire, évidemment. L'angle de ce papier visait à créer des passerelles entre deux réflexions qui avancent en parallèle (la ville durable d'un côté, la communication responsable de l'autre) et qui ont sûrement des points de convergences vertueux à explorer.