La ville en mouvement 4/4 : La rue et les places de centre-ville
« La ville durable sera celle de la proximité, une ville de la pantoufle ! » (Philippe Madec)
La voiture comme mode de déplacement principal a favorisé la création de villes éclatées entre leurs différentes fonctions (habiter, travailler, se divertir) car elle permettait de réduire le temps de circulation entre les zonages urbains. Mais compte tenu des limites de cette organisation spatiale (longueur des déplacements notamment, prix du carburant), et de ses conséquences négatives (consommation d’espace, rupture des liens entre les gens, et émissions de CO2 des voitures), c’est une approche différente de la mobilité et de l’accessibilité qui prend de l’ampleur dans les politiques d’aménagement du territoire actuelles.
Aujourd’hui, c’est le concept de proximité « réelle » que l’on retrouve dans les projets d’aménagement, c'est-à-dire celle qui s’appréhende par les piétons dans leurs besoins quotidiens : école primaire, bureau de poste, supérette, centre médical... La marche est en effet un moyen de transport universel, accessible au plus grand nombre, et souvent le plus efficace sur les courtes distances, qui doit être encouragé et favorisé aujourd’hui. C’est ce qu’a choisi de faire la communauté d’agglomération de Grenoble, qui souhaite intégrer la marche à pied au cœur de son Plan des Déplacements Urbains, et qui organise avec le Syndicat Mixte des Transports en Commun et l’institut d’urbanisme (IUG) une journée d’études ce vendredi 28 septembre, afin de saisir les enjeux de la « marchabilité » et de réfléchir aux pistes d’action pour l’encourager.
Cette approche de la mobilité à travers l’échelle du piéton favorise le développement de quartiers où tous les aspects quotidiens seraient à « portée de pieds », rassemblant un grand nombre de services dans un espace restreint et fonctionnel, au sein desquels la place des voitures est souvent fortement réduite. Même si la réflexion est loin d’être nouvelle (voir les travaux d’E. Howard et ses cités jardins), l’identification des « besoins de proximité » trouve aujourd’hui une traduction contemporaine avec par exemple la roue de Philippe Madec (Illustration 2). Ce dernier définit des distances acceptables entre un individu et certains espaces/services/activités.
Mais la prise en compte du piéton, de sa mobilité et de ses besoins se conçoit aussi comme une reconquête de l’espace public trop longtemps abandonné à la circulation automobile. L’un des symboles récents est la transformation par petites touches du Code de la Route qui traite de plus en plus des différents modes de transport, notamment des modes doux (décret du 30 juillet 2008), et évolue doucement vers un « Code de la Rue ». Le partage de l’espace public est devenu un enjeu de politique publique majeur. Sachant qu’une voiture transporte en moyenne 1,3 passager et reste immobilisée 90% du temps, la consommation d’espace par usager de la voiture particulière est 5 à 10 fois supérieure à celles des autres modes de transport (piéton, vélo, transports en commun).
A l’occasion de la Semaine Européenne de la Mobilité qui s’est tenue du 16 au 22 septembre, la ville de Toulouse a réalisé une simulation du partage de l’espace public pour représenter cette consommation démesurée d’espace par la voiture particulière (Illustration 1), à l’image de nombreuses autres campagnes symboliques déjà réalisées. Concernant l’impact sur les habitants d’un partage déséquilibré de l’espace public, la Commission européenne a réalisé au début des années 2000 une brochure « Villes d’enfants, villes d’avenir » de communication sur des exemples pratiques de ce qui est réalisé dans certaines villes pour mieux prendre en compte les besoins des enfants en matière de mobilité et d’environnement. Ainsi, le trafic automobile constitue une gêne voire une menace pour les jeux des enfants ; tandis que les jeux de rue sont bien plus riches et plus diversifiés que ceux encadrés dans les plaines de jeux. Enfin, les enfants qui jouent dans la rue ont un cercle d’amis plus large et leurs parents jouissent de relations plus étendues (cf. le projet Bambini).
Depuis les années 1990, de nombreuses villes et grandes métropoles ont proposé des changements notoires de leur circulation notamment dans leurs centres-villes, en redonnant aux piétons et aux autres modes de transport l’utilisation de certains espaces (places publiques, rues piétonnes) et en modifiant la circulation automobile en conséquence. Ainsi, les centres-villes de Lyon, Bordeaux, Nantes, ou Rennes ont changé de visage depuis une vingtaine d’années. A Bordeaux, la place Pey Berland était auparavant traversée par 4 voies de circulation ; désormais c’est le tramway qui la traverse discrètement, le vaste espace aux abords de la cathédrale ayant été rendu aux nombreux piétons. A Rennes, les principales places de centre-ville étaient des parkings en surface, les voitures immobilisées constituant le paysage urbain courant pour les piétons. Les principales places sont devenues aujourd’hui des lieux agréables de rencontre et de passage, créant un centre-ville attractif.
La reconquête de l’espace public par le piéton est également l’un des enjeux du mouvement des villes lentes (citta-slow) qui entendent promouvoir un rythme de vie plus convivial par une réflexion sur l’usage de nos espaces.
Un partage plus équilibré de la rue, et mieux hiérarchisé selon la nature des espaces, est l’un des leviers majeurs des projets d’écoquartiers pour favoriser un mode de vie durable. Il doit en parallèle être associé à une réflexion sur la ville des proximités et les temporalités de la ville pour que la problématique souvent mise en avant de mixité fonctionnelle prenne tout son sens.
Pour aller plus loin :
Article co-écrit à quatre mains avec Paul-Antoine Lécuyer.
La voiture comme mode de déplacement principal a favorisé la création de villes éclatées entre leurs différentes fonctions (habiter, travailler, se divertir) car elle permettait de réduire le temps de circulation entre les zonages urbains. Mais compte tenu des limites de cette organisation spatiale (longueur des déplacements notamment, prix du carburant), et de ses conséquences négatives (consommation d’espace, rupture des liens entre les gens, et émissions de CO2 des voitures), c’est une approche différente de la mobilité et de l’accessibilité qui prend de l’ampleur dans les politiques d’aménagement du territoire actuelles.
Aujourd’hui, c’est le concept de proximité « réelle » que l’on retrouve dans les projets d’aménagement, c'est-à-dire celle qui s’appréhende par les piétons dans leurs besoins quotidiens : école primaire, bureau de poste, supérette, centre médical... La marche est en effet un moyen de transport universel, accessible au plus grand nombre, et souvent le plus efficace sur les courtes distances, qui doit être encouragé et favorisé aujourd’hui. C’est ce qu’a choisi de faire la communauté d’agglomération de Grenoble, qui souhaite intégrer la marche à pied au cœur de son Plan des Déplacements Urbains, et qui organise avec le Syndicat Mixte des Transports en Commun et l’institut d’urbanisme (IUG) une journée d’études ce vendredi 28 septembre, afin de saisir les enjeux de la « marchabilité » et de réfléchir aux pistes d’action pour l’encourager.
Cette approche de la mobilité à travers l’échelle du piéton favorise le développement de quartiers où tous les aspects quotidiens seraient à « portée de pieds », rassemblant un grand nombre de services dans un espace restreint et fonctionnel, au sein desquels la place des voitures est souvent fortement réduite. Même si la réflexion est loin d’être nouvelle (voir les travaux d’E. Howard et ses cités jardins), l’identification des « besoins de proximité » trouve aujourd’hui une traduction contemporaine avec par exemple la roue de Philippe Madec (Illustration 2). Ce dernier définit des distances acceptables entre un individu et certains espaces/services/activités.
Mais la prise en compte du piéton, de sa mobilité et de ses besoins se conçoit aussi comme une reconquête de l’espace public trop longtemps abandonné à la circulation automobile. L’un des symboles récents est la transformation par petites touches du Code de la Route qui traite de plus en plus des différents modes de transport, notamment des modes doux (décret du 30 juillet 2008), et évolue doucement vers un « Code de la Rue ». Le partage de l’espace public est devenu un enjeu de politique publique majeur. Sachant qu’une voiture transporte en moyenne 1,3 passager et reste immobilisée 90% du temps, la consommation d’espace par usager de la voiture particulière est 5 à 10 fois supérieure à celles des autres modes de transport (piéton, vélo, transports en commun).
A l’occasion de la Semaine Européenne de la Mobilité qui s’est tenue du 16 au 22 septembre, la ville de Toulouse a réalisé une simulation du partage de l’espace public pour représenter cette consommation démesurée d’espace par la voiture particulière (Illustration 1), à l’image de nombreuses autres campagnes symboliques déjà réalisées. Concernant l’impact sur les habitants d’un partage déséquilibré de l’espace public, la Commission européenne a réalisé au début des années 2000 une brochure « Villes d’enfants, villes d’avenir » de communication sur des exemples pratiques de ce qui est réalisé dans certaines villes pour mieux prendre en compte les besoins des enfants en matière de mobilité et d’environnement. Ainsi, le trafic automobile constitue une gêne voire une menace pour les jeux des enfants ; tandis que les jeux de rue sont bien plus riches et plus diversifiés que ceux encadrés dans les plaines de jeux. Enfin, les enfants qui jouent dans la rue ont un cercle d’amis plus large et leurs parents jouissent de relations plus étendues (cf. le projet Bambini).
Depuis les années 1990, de nombreuses villes et grandes métropoles ont proposé des changements notoires de leur circulation notamment dans leurs centres-villes, en redonnant aux piétons et aux autres modes de transport l’utilisation de certains espaces (places publiques, rues piétonnes) et en modifiant la circulation automobile en conséquence. Ainsi, les centres-villes de Lyon, Bordeaux, Nantes, ou Rennes ont changé de visage depuis une vingtaine d’années. A Bordeaux, la place Pey Berland était auparavant traversée par 4 voies de circulation ; désormais c’est le tramway qui la traverse discrètement, le vaste espace aux abords de la cathédrale ayant été rendu aux nombreux piétons. A Rennes, les principales places de centre-ville étaient des parkings en surface, les voitures immobilisées constituant le paysage urbain courant pour les piétons. Les principales places sont devenues aujourd’hui des lieux agréables de rencontre et de passage, créant un centre-ville attractif.
La reconquête de l’espace public par le piéton est également l’un des enjeux du mouvement des villes lentes (citta-slow) qui entendent promouvoir un rythme de vie plus convivial par une réflexion sur l’usage de nos espaces.
Un partage plus équilibré de la rue, et mieux hiérarchisé selon la nature des espaces, est l’un des leviers majeurs des projets d’écoquartiers pour favoriser un mode de vie durable. Il doit en parallèle être associé à une réflexion sur la ville des proximités et les temporalités de la ville pour que la problématique souvent mise en avant de mixité fonctionnelle prenne tout son sens.
Pour aller plus loin :
- La place Sainte-Anne à Rennes : une place dans tous ses débats (revue Place Publique Rennes)
- La Semaine Européenne de la Mobilité (Ministère de l’écologie et du développement durable)
- Du code de la route au code de la rue (blog Mon Vélib et moi)
- Bambini, le projet socialisation aux transports propres et sobres en énergie, soutenu par le Programme « Intelligent Energy Europe » de la Commission européenne.
Article co-écrit à quatre mains avec Paul-Antoine Lécuyer.
- Roue de Madec et distance acceptable (mesurée en minutes à pieds) des services
- Campagne de sensibilisation, Madhya Pradesh Police (Inde) – 2009