La participation citoyenne dans les éco-quartiers : contrainte ou opportunité ?
26/10/2012 - Jean-Marc GANCILLE
« Il faut faire dire aux habitants ce qu’on a envie d’entendre ». Cette phrase, véritablement prononcée lors d’une séance de préparation à une réunion de concertation, émane de la direction de l’aménagement d’une grande collectivité française.
Elle prêterait presque à sourire si elle n’exprimait remarquablement à elle seule le sentiment partagé par de nombreux citoyens actifs, souvent désillusionnés vis-à-vis des processus participatifs locaux auxquels ils prennent part.
De fait, la démarche de « co-création de la ville » tant vantée par les élus se résume le plus souvent à un exercice descendant de communication municipale. La parole citoyenne y est généralement filtrée pour légitimer a posteriori des décisions prises ailleurs et largement influencées par « les experts » (services de la ville, architectes, urbanistes, acteurs de l’aménagement et de la construction, financeurs...). Un constat amer et largement débattu lors de deux événements nationaux récents consacrés à la ville durable (1).
A la décharge des collectivités et des opérateurs, l’exercice d’une véritable co-maîtrise d’ouvrage avec les habitants se heurte à de multiples obstacles : temps long de l’urbanisme qui épuise les velléités de participation, complexité des procédures qui excluent les profanes, absence d’habitants identifiés au sein de friches réhabilitées, poids des associations et habitués de la participation qui inhibent la prise de parole des particuliers, équilibres économiques en période de crise des finances publiques qui limitent les marges de manoeuvre...
Et pourtant ! La plupart des expériences participatives réussies – et heureusement il en existe aussi - tendent à prouver les bénéfices très concrets de l’implication des habitants. De l’avis de nombreux praticiens, se couper de cette « maîtrise d’usages » expose les opérations à de nombreuses déconvenues futures : vide d’animation lié au surdimensionnement des espaces publics, vide d’usage des espaces verts consécutif à l’absence de déclinaisons des qualifications, plein de conflits sur les parcelles d’habitat résultant de l’excessive densité, mésusage des dispositifs éco-responsables suite à une insuffisante pédagogie vis-à-vis des bénéficiaires...
Ces écueils potentiels sont particulièrement prégnants dans les éco-quartiers, dont la performance suppose des modifications importantes de comportements de la part des habitants (tri des déchets, moindre recours au véhicule individuel, économies de l’énergie, acceptation de la mixité sociale...). La participation des habitants dès la conception des projets s’y impose donc plus qu’ailleurs afin de faciliter l’appropriation par les publics de leurs conditions d’usages futures.
Mais cette évidence se heurte encore à l’inertie de la culture politique dominante et aux préjugés des professionnels peu enclins à remettre en cause leurs façons de faire. Espérons que la charte des éco-quartiers en préparation au Ministère de l’égalité des territoires et du logement permettra de faire bouger les lignes. Préalable à l’obtention d’un probable « label éco-quartier » cette charte prône notamment des principes de « gouvernance élargie », et de « prise en compte des pratiques des usagers dans les choix de conception ». De quoi légitimer un enjeu crucial qui demeure quoi qu’on en pense le parent pauvre des démarches d’aménagement.
(1)
- Journée d’étude « L’implication des habitants dans les projets d’éco-quartiers en France : quelles pratiques ? quelles perspectives ? » ENSA Paris Val de Seine, 18/09/2012
- Forum National des Quartiers Durables, St-Ouen, 17 et 18/10/2012
Elle prêterait presque à sourire si elle n’exprimait remarquablement à elle seule le sentiment partagé par de nombreux citoyens actifs, souvent désillusionnés vis-à-vis des processus participatifs locaux auxquels ils prennent part.
De fait, la démarche de « co-création de la ville » tant vantée par les élus se résume le plus souvent à un exercice descendant de communication municipale. La parole citoyenne y est généralement filtrée pour légitimer a posteriori des décisions prises ailleurs et largement influencées par « les experts » (services de la ville, architectes, urbanistes, acteurs de l’aménagement et de la construction, financeurs...). Un constat amer et largement débattu lors de deux événements nationaux récents consacrés à la ville durable (1).
A la décharge des collectivités et des opérateurs, l’exercice d’une véritable co-maîtrise d’ouvrage avec les habitants se heurte à de multiples obstacles : temps long de l’urbanisme qui épuise les velléités de participation, complexité des procédures qui excluent les profanes, absence d’habitants identifiés au sein de friches réhabilitées, poids des associations et habitués de la participation qui inhibent la prise de parole des particuliers, équilibres économiques en période de crise des finances publiques qui limitent les marges de manoeuvre...
Et pourtant ! La plupart des expériences participatives réussies – et heureusement il en existe aussi - tendent à prouver les bénéfices très concrets de l’implication des habitants. De l’avis de nombreux praticiens, se couper de cette « maîtrise d’usages » expose les opérations à de nombreuses déconvenues futures : vide d’animation lié au surdimensionnement des espaces publics, vide d’usage des espaces verts consécutif à l’absence de déclinaisons des qualifications, plein de conflits sur les parcelles d’habitat résultant de l’excessive densité, mésusage des dispositifs éco-responsables suite à une insuffisante pédagogie vis-à-vis des bénéficiaires...
Ces écueils potentiels sont particulièrement prégnants dans les éco-quartiers, dont la performance suppose des modifications importantes de comportements de la part des habitants (tri des déchets, moindre recours au véhicule individuel, économies de l’énergie, acceptation de la mixité sociale...). La participation des habitants dès la conception des projets s’y impose donc plus qu’ailleurs afin de faciliter l’appropriation par les publics de leurs conditions d’usages futures.
Mais cette évidence se heurte encore à l’inertie de la culture politique dominante et aux préjugés des professionnels peu enclins à remettre en cause leurs façons de faire. Espérons que la charte des éco-quartiers en préparation au Ministère de l’égalité des territoires et du logement permettra de faire bouger les lignes. Préalable à l’obtention d’un probable « label éco-quartier » cette charte prône notamment des principes de « gouvernance élargie », et de « prise en compte des pratiques des usagers dans les choix de conception ». De quoi légitimer un enjeu crucial qui demeure quoi qu’on en pense le parent pauvre des démarches d’aménagement.
(1)
- Journée d’étude « L’implication des habitants dans les projets d’éco-quartiers en France : quelles pratiques ? quelles perspectives ? » ENSA Paris Val de Seine, 18/09/2012
- Forum National des Quartiers Durables, St-Ouen, 17 et 18/10/2012
Commentaires
1 06 novembre 2012 à 10h45 par JardinLM
Voilà pourquoi les conseils de quartier ne sont au mieux que "du" décor...
Mon expérience m'apprend que l'exclusion des habitants est stratégique et nullement inconsciente. Le même mépris envers les citoyens pauvres informe les "plans" de polemploi et des politiques urbanistiques. Cette violence là détruit les gens. Les enfants passent après les bagnoles, les itinéraires pédestres sont contraints de contourner ceux des automobiles pourtant vouées à l'obsolescence; l'espace public est "géré" sans aucun contact avec les riverains, les bailleurs ont un objectif: encaisser les loyers et zéro dépense d'entretien...
Société inégalitariste et écologie font mauvais ménage. Les humains ne sont-ils pas d'abord des vivants? L'écologie commence par celle des rapports sociaux. On est loin du compte.
Tous les quartiers sont des écoquartiers, charte ou pas charte..