Eco-quartiers.fr - Le blog - Mars 2013 - Il faut cultiver notre jardin urbain (1/6)

L’agriculture urbaine fait de plus en plus d’émules dans les grandes métropoles mondiales. Les motivations sont nombreuses et dépendent du niveau de vie des citadins qui parfois s’improvisent agriculteurs. Mais tous sont au moins d’accord sur une chose : l’agriculture doit retrouver...

Il faut cultiver notre jardin urbain (1/6)

Illustration candide
L’agriculture urbaine fait de plus en plus d’émules dans les grandes métropoles mondiales. Initiatives personnelles pour cultures d’agrément ou agriculture à moyenne échelle à finalité nourricière,  les motivations sont nombreuses et dépendent du niveau de vie des citadins qui parfois s’improvisent agriculteurs. Mais tous sont au moins d’accord sur une chose : l’agriculture doit retrouver sa place en milieu urbain ! Il nous faut donc cultiver notre jardin… en ville.

Mais qu'entendre par "agriculture urbaine" ? Les chercheurs à l'INRA André Fleury et Pierre Donnadieu en donnent la définition suivante : L'agriculture urbaine et périurbaine (AUP) se réfère aux pratiques agricoles dans les villes et autour des villes qui utilisent des ressources - terre, eau, énergie, main-d'œuvre - pouvant également servir à d'autres usages pour satisfaire les besoins de la population urbaine. Il est à noter que cette définition inclut les espaces périurbains et met l'accent sur le fait que les usages de cette agriculture sont multiples.

Tout le monde connait le fameux excipit de Candide « il faut cultiver notre jardin », et ce même sans avoir lu le conte philosophique de Voltaire. Mais plusieurs siècles plus tard, on s’interroge encore sur sa signification et la portée philosophique d’une telle maxime. Après avoir parcouru le monde et survécu à maints désastres, Candide et ses compagnons se retrouvent à vivre ensemble dans une métairie et une grande misère, et leur seule consolation est de « cultiver » leur jardin.

Cultiver son jardin signifie donc : revenir aux choses essentielles et vitales, ne plus se faire d’illusions sur le monde. Mais contrairement à la conclusion très pessimiste de ce conte voltairien, cultiver son jardin aujourd’hui est au contraire un élément porteur d’espoir. Il n’est pas étonnant que cette préoccupation fasse de nouveau surface en temps de crise. Le mythe de l’autosuffisance alimentaire est aujourd’hui enterré, et il se pourrait que les campagnes ne suffisent plus à nourrir la Terre. Plusieurs raisons à cela : tout d’abord, l’étalement urbain ne cesse d’empiéter sur les terres agricoles, même si les projets d’aménagement récents cherchent à densifier l’espace. L’augmentation de la population entraine un besoin de logement croissant, ce qui introduit le paradoxe suivant : quelle utilisation devons-nous faire de l’espace ? Construire pour loger, ou cultiver pour nourrir ?

« Vous devez avoir, dit Candide au Turc, une vaste et magnifique terre ? - Je n’ai que vingt arpents, répondit le Turc ; je les cultive avec mes enfants ; le travail éloigne de nous trois grands maux : l’ennui, le vice, et le besoin. » La problématique de l’affectation de l’espace, associée au cout du foncier en milieu urbain pose question aux aménageurs. Mais les défenseurs de l’agriculture urbaine ne cherchent généralement à investir de minuscules parcelles, et pas forcément en plein sol. La cinquième façade des immeubles (les toits) a depuis longtemps été investie par les cultures alimentaires. Les 20 arpents dont parle le Turc de Candide représentent environ 8ha de terres. Les jardins familiaux de la fin du XIXe siècle ne dépassaient jamais 1/5 d’hectares, et leur exploitation permettait de nourrir une famille nombreuse. Les agriculteurs des villes se doivent donc d’être inventifs et trouver des alternatives pour « cultiver petit » mais pas en petite quantité.

Certes, la production agricole d’une ville ne viendra jamais supplanter celle de la campagne, dont la vocation est véritablement nourricière. Mais l’argument alimentaire n’est pas dominant chez les défenseurs de l’agriculture urbaine. La fraicheur des produits, la distribution en circuits courts et donc, la réduction de l’empreinte carbone de l’alimentation est un élément décisif pour les locavores. Les potagers urbains produisent parfois des aliments de bien meilleure qualité nutritionnelle et gustative que l’agriculture extensive des gros producteurs de légumes qui entendent nourrir la planète. Le géant de l’agriculture Monsento avait protesté contre le jardin potager de la first lady américaine Michelle Obama, peu de temps après son arrivée à la Maison Blanche. Selon lui, cela donnerait aux consommateurs une mauvaise image de l'agriculture « conventionnelle » et les inciterait à imiter son exemple. Cette anecdote difficile à concevoir est néanmoins révélatrice de la réalité économique que représente l’agriculture aujourd’hui.

L’aspect social et la recréation de lien par le travail de la terre est fondamental dans tous les projets d’agriculture urbaine en Europe, et ce depuis la création des jardins ouvriers en France et en Allemagne à la fin du XIXe siècle. En effet, l’objectif de l’abbé Lemire, un des fondateurs du concept en France, était d’abord de canaliser la population ouvrière contre d’éventuels débordements : « Les jardins ouvriers professent une vocation sociale et défendent un certain ordre social : s'ils permettent aux ouvriers d'échapper à leur taudis en profitant d'un air plus respirable, ils les éloignent aussi des cabarets et encouragent les activités familiales au sein de ces espaces verts. » L’argent gagné à l’usine  devait ainsi être employé à l’entretien du jardin qui, en plus d’apporter à la famille un complément alimentaire non négligeable, leur offrait un espace de recréation en rupture avec leur logement souvent trop petit. Ce n’est pas dans cette conception hygiéniste que l’agriculture en ville se développe mais ses vertus sociales sont bien réelles.

Mais la demande ne semble pas être si prégnante et la nécessité de compléter (ou chercher à remplacer) la production alimentaire de la campagne n’apparait pas précisément comme un impératif vital pour nos pays du nord. L’agriculture urbaine serait-elle un épiphénomène réservé à une poignée de bobos urbains fiers de cultiver leurs propres topinambours ? Pas si sur ! D’après une évaluation de Smit et al. Citée par Luc J.A. Mougeot dans son ouvrage Armer les villes contre la faim: systèmes alimentaires urbains durables, les personnes pratiquant l’agriculture urbaine seraient 800 millions, dont un peu moins de 20% seraient employé à plein temps pour cette activité. Ramenons cela à une échelle plus locale : on compte alors 80 000 agriculteurs urbains à Berlin et 10 000 à Boston (1). La seule agriculture urbaine serait à l’origine de 15% des denrées alimentaires de la planète. Cela donne à réfléchir, lorsque l’on sait que la population française est à 85% urbaine, et le sera à 92% à l’horizon 2030.

Nous explorerons donc l’agriculture urbaine à travers ces différentes fonctions : d’abord en l’étudiant sous un aspect écologique et environnemental, puis sous un angle plus économique, avant de nous intéresser à son incontournable dimension sociale. Enfin, nous verrons un exemple concret et prometteur d’agriculture en ville à travers l’expérience menée sur les toits d’Agro Paris Tech par Nicolas Bel, et nous nous interrogerons sur le modèle d’agriculture urbaine que nous souhaitons développer aujourd’hui, en particulier dans nos écoquartiers.

Articles à consulter sur le site :

(1) Rappelons qu'il s'agit d'agriculture urbaine et périurbaine confondues.

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1 commentaire

Commentaires

  1. 1

    Le Cnis organise la concertation entre les utilisateurs et les producteurs de statistiques publiques (Insee, Dares, Drees, services statistiques des ministères...) .

    A ce titre, le secrétariat général du Cnis vous convie à assister à sa prochaine Commission Environnement et développement durable, présidée par Mme Pappalardo, le 24 juin prochain, du 14:00 à 18:00 à Paris

    sur le thème de l'apport des statistiques publiques dans le processus de la ville durable. Il vous convie à venir échanger avec les différents intervenants et à poser vos questions et exprimer vos besoins aux statisticiens présents.
    En effet, la "ville durable" est un sujet de préoccupation pour tous les acteurs publics : il s'agit donc de réfléchir à cette démarche récente en matière de méthodologies, de concepts à définir, de disponibilité d'indicateurs cohérents nécessaires tant pour le diagnostic, la mise en place que le suivi des politiques publiques. L'accent sera mis sur la dévitalisation des cœurs de ville.

    Nous serons donc heureux de vous accueillir pour ce débat et ces échanges , et vous invitons à vous inscrire sur le site du Cnis, à l'adresse suivante :
    http://www.cnis.fr/cms/Accueil/activites/Organisation/Commissions_thematiques/Commission_Environnement_et_developpement_durable/Calendrier__Commission_developpement_durable?reunion=117737

    Vous remerciant pour l'attention que vous voudrez bien porter à ces travaux.

    ************************************************************************
    Henriette Lantin
    Conseil national de l'information statistique
    Responsable de Commission
    01 41 17 52 67

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