Eco-quartiers.fr - Le blog - Juillet 2013 - Bâle attend son écoquartier

Depuis plusieurs années, les habitants de la ville suisse de Bâle savent que la zone industrielle située sur le Rhin, en amont de la ville non loin du port actuel, sera réaménagée.

Bâle attend son écoquartier

Site du futur quartier 1
Depuis plusieurs années, les habitants de la ville suisse de Bâle savent que la zone industrielle située sur le Rhin, en amont de la ville non loin du port actuel, sera réaménagée. Bâle est en Suisse une ville exemplaire en matière de développement durable, les thèmes environnementaux et énergétiques sont compris et partagés par les politiques: la régie locale de courant électrique (IWB) fournit de longue date des watts sans atome, la norme Minergie est obligatoire depuis 2009 dans la construction, le réseau de chaleur de la ville est un des plus anciens et des plus vastes de Suisse…

C’est donc avec étonnement que fin 2011 la population a vu apparaître dans la presse les premières esquisses du projet de quartier des bords de Rhin. Ce travail commandé par les services d’urbanisme à un pool d’architectes et d’urbanistes montre des gratte-ciel, un très large pont qui enjambe le fleuve, un immeuble-arche de béton pour marquer l’entrée dans le quartier… soit une vision des années 70 ou 80 (1) bien éloignées des concepts énergétiques sobres de type écoquartier. Ce projet, bien vite baptisé à raison Rheinhattan, ne met pas en évidence les acquis énergétiques et environnementaux de Bâle.

Cette ville se devrait d’urbaniser différemment au moins pour deux raisons :
-    Elle est ville pilote de la société des 2000 watts (2) et a réalisé par le passé des projets intéressants : 
-    Elle a le niveau ‘or’ des cités de l’énergie : distinction la plus haute pour les communes qui mènent une politique énergétique durable.

Ce projet omet complètement de prendre en compte le fait que nous devons réduire drastiquement notre production de CO2 et nous préparer à un avenir très sobre en énergie.

Ce Rheinhattan choque parce qu’il fait la part belle aux tours. Or, la construction de ces dernières est très exigeante en énergie (encore appelée énergie grise), tout autant que la gestion quotidienne de tels bâtiments. Et contrairement à ce qui est régulièrement répété, une tour ne permet aucun gain en matière de densité. Analysons ces trois points.

1. L’énergie grise d’un bâtiment correspond à la somme de toute l’énergie investie de sa conception à sa destruction, donc pour sa construction (l’origine des matériaux, toutes les livraisons, la pose d’une grue, les déplacements du personnel…) son entretien et sa démolition. Elle est donc très élevée pour une tour qui est exigeante en béton armé, en poutrelles métalliques, en terrassement…

2. L’entretien quotidien d’un immeuble de grande hauteur est énergivore. La multitude d’étages exige d’acheminer l’eau vers les niveaux les plus hauts via des pompes, car la pression habituellement disponible dans un réseau urbain ne suffit pas. Pour ce qui est des ascenseurs, ceux-ci consomment d’autant plus que le bâti est élevé et même les ascenseurs les plus performants qui fonctionnent avec récupération de l’énergie de freinage, peuvent avoir une consommation qui représente l’équivalent de 50 kWh/m2/an. En comparaison, l’habitat passif consomme au maximum 15 kWh/m2/an selon la norme allemande passivhaus ou 28 kWh/m2/an selon la norme suisse Minergie P. D’un coup la grande hauteur (par exemple de 15 à 20 étages) fait exploser les consommations d’énergie, alors que l’on sait construire aujourd’hui des immeubles de six à huit étages à énergie positive ou énergie zéro. C’est à dire des bâtiments (avec ascenseurs) qui produisent en moyenne annuelle autant d’énergie qu’ils en consomment, voire légèrement plus.

3. La question de la densité est souvent mal comprise et mal analysée. Une tour n’offre de la densité que sur la surface même sur laquelle elle est bâtie. Son pourtour est vaste et vide. Autant pour des raisons de sécurité – il faut permettre à des camions de pompiers de pourvoir accéder au site – que pour des raisons d’accès des nombreux employés et habitants (il faut des entrées vastes, des accès parking généreux), sans oublier la nécessité d’avoir des espaces publics et verts où se reposer, fumer sa cigarette, pour y installer des cafés-restaurants… On peut faire moins haut et plus dense. La plus forte densité urbaine correspond à l’architecte de type haussmannien, le style de 6 étages que l’on trouve à Paris. L’explication est simple : les volumes de logements, de commerces et de bureaux sont accolés les uns aux autres sur de grandes longueurs (3). On retrouve ce principe d’architecture de la fin du 19ème de Berlin à Copenhague et on sait le reproduire aujourd’hui en version plus confortable (avec ascenseur), plus lumineuse et peu énergivore.

On s’étonne donc que de tels critères n’aient pas été retenus par les urbanistes de Bâle, qui sont pourtant des gens bien informés. C’est parfois à se demander si certains labels ne sont pas comme des autocollants posés à l’arrière de la voiture : juste là pour faire jolis.

-------------

(1) http://rheinhattanversenken.noblogs.org/rheinhattan-in-bildern/
 
(2) La société des 2000 watts. La consommation énergétique mondiale moyenne est de 2000 watts par habitant. Un Américain atteint 12000, un européen 6500 et un habitant du Bangladesh quelques de centaines watts. 2000 watts correspondent à la consommation d’un européen au début des années 60. C’est à ce niveau qu’il faut revenir. Une vaste politique d’économie d’énergie et de développement des sources propres peut atteindre cet objectif sans remettre en cause le confort des occidentaux et en développant celui du sud.

(3) Voir graphique en illustration. 
  • Site du futur quartier 2Site du futur quartier 2
  • Site du futur quartier 3 Photo : P. BovetSite du futur quartier 3 Photo : P. Bovet
  • Site du futur quartier 4 Photo : P. BovetSite du futur quartier 4 Photo : P. Bovet
  • Graphique densité IAUGraphique densité IAU
2 commentaire

Commentaires

  1. 1

    Bonne nouvelle pour l'écoquartier de Bâle

  2. 2

    Je trouve très juste l’argumentation sur la surface brute d’une tour par rapport à sa surface nette au sol.

    J’ajoute également que la tour apporte de nouvelles contraintes et non des moindres comme l’ombrage sur les autres bâtiments. L’apport solaire est un des éléments des plus importants de la ville de demain. Les nouvelles réglementations thermiques tiennent compte du confort solaire été mais par vraiment de l’apport solaire en hiver. L’orientation Sud d’un bâtiment devrait être imposée dans les futures règlementations, cela obligera à faire des routes moins ‘étatsuniennes’ et plus liées à la position solaire, et sans grande tour à côté.

    Le spécialiste sur le pic pétrolier Jean Laherrère (ASPO France) trouve d’ailleurs que faire des tours est une stupidité de l’homme en parlant de celle d’abu dhabi, mais je suis certain qu’il doit penser la même chose de toutes les tours en générale, ce qui est mon opinion d’un point de vue énergétique également pour les années à venir.
    L’avenir serait la densification des villes moyennes, et non pas celle des grandes agglomérations, qui posent problème déjà maintenant avec une fuite des classes moyennes qui créent de l’étalement urbain. Autant dire que le grand Paris, le grand Lille, le grand ce qu’on veut, n’est pas durable au sens de l’avenir énergétique de l’humanité.

    Une petite précision pour le lecteur n’ayant pas trop l’habitude de parler énergie, 2000 W est une puissance moyenne sur une consommation d’énergie annuelle de 2000*24*365/1000 =17000 kWh

    Il faut retenir la conversion simpliste suivante (la multiplication par 10) : 2000W pour environ 20000 kWh sur un an.

    Donc pour un européen, 6500 W correspond environ à 65 000 kWh par an.

    C’est ce que consomme un français moyen, toute énergie confondue, dans et hors domicile, y compris en tenant compte de son travail, de ses déplacements, etc…..
    Mais attention, même si cela parait être 2 fois plus petit qu’un ‘étatsunien’ moyen, il n’en est rien car on ne compte pas tout ce qui est gadget importé (les états-unis fabriquent beaucoup plus sur leur propre pays) , et ce poste d’énergie si on devait le comptabiliser est supérieur au poste ‘consommation du logement’ ou le poste ‘alimentation’ ou le poste ‘déplacement’.

    La tâche des 2000W sera rude. Mais par l’innovation, la réorganisation des villes, l’acceptation de la société à cette mutation, l’acceptation des décideurs à la raréfaction des matières premières et la contribution carbone (appelée aussi maudite taxe-carbone) , elle sera moins rude qu’imposée par la pénurie ou toute autre contrainte qui fait mal comme les guerres ou les conflits sociaux.

    Vincent F.A. Molcrette, co-responsable avec Vincent R.B. Autier de la Licence Génie Energétique - Energies Renouvelables.

Ajouter un commentaire

Le code html sera affiché comme du texte

Derniers tweets

Archives