Les écoquartiers et la pensée complexe
S’il est une leçon à tirer des politiques urbaines des deux dernières décennies, c’est bien celle de la transversalité des approches qu’elles ont déployées, et qui a fait leur succès. Les politiques culturelles ou environnementales ont été utilisées pour renforcer l’attractivité économique, les gouvernances se sont souvent construites sur les projets d’urbanisme ou de transports et les transports ont eux-mêmes été partie prenantes des programmes de rénovation urbaine à vocation sociale.
Cette pratique du billard à plusieurs bandes, aujourd’hui presque banale, revient à considérer les villes comme des écosystèmes complexes qu’on ne peut faire bouger qu’en agissant simultanément sur plusieurs de leurs composantes. Elle remplace implicitement les raisonnements mécaniques (une action, un résultat mesurable) chers aux politiques sectorielles, par des approches que l’on pourrait qualifier de biologiques (plusieurs actions résonnantes et un résultat global, plus apprécié que mesuré).
De façon très empirique, les politiques urbaines ont donc contribué à éclairer cette pensée complexe qu’Edgar Morin et d’autres ont appelé de leur vœux, mais qui, dans la réalité, n’a pas encore réussi à se concrétiser. Depuis vingt ans, la pensée politique a plutôt eu tendance à rétrécir son champ de vision pour ne considérer que les logiques économiques et financières.
Le constat qui s’impose est qu’une pensée politique moins simpliste (à défaut d’être complexe) ne peut se construire qu’en s’appuyant sur l’observation de modèles existants : non pas sur un ou deux modèles, mais sur des dizaines ou des centaines, de différentes échelles.
Dans ce contexte, les écoquartiers pourraient se retrouvent investis d’une mission qui ne figurait pas en tête de leurs priorités: être des prototypes de socio-écosystèmes, des incubateurs d’innovations transversales, et non, ce qui n’est déjà pas si facile, de simples quartiers à haute performance écologique. Démonstrateurs de « pratiques complexes », ils constitueraient autant de points d’appui pour penser la complexité des sociétés sans se perdre dans les boucles de l’analyse systémique.
L’affichage d’une telle ambition pourrait sans aucun doute dynamiser la démarche écoquartier. Il ne faut cependant pas se cacher qu’elle soulève plusieurs questions, qui sont autant de pièges redoutables. Ce sont notamment celles de l’échelle, du temps, du pilotage, de l’évaluation et de la médiatisation. A partir de quelle dimension un écoquartier peut-il prétendre pouvoir apporter des enseignements transposables à l’échelle d’une société ? Combien de temps faut-il pour que la mayonnaise sociétale prenne ? Qui conçoit l’utopie, qui la porte dans la durée ? Qui évalue, sur quels critères ? Quels sont les risques, ou les effets pervers, d’une médiatisation prématurée de l’expérience?
Ces questions renvoient toutes, en fait, au même paradoxe: la pensée politique, toutes tendances confondues, a aujourd’hui un besoin urgent de « modèles vivants » pour refonder ses visions de la société souhaitable ; les écoquartiers figurent en bonne place parmi les modèles observables, mais avant de pouvoir porter des enseignements transposables, ils ont besoin de grandir à leur rythme, sans se trouver trop tôt sous le feu des projecteurs.
Cette pratique du billard à plusieurs bandes, aujourd’hui presque banale, revient à considérer les villes comme des écosystèmes complexes qu’on ne peut faire bouger qu’en agissant simultanément sur plusieurs de leurs composantes. Elle remplace implicitement les raisonnements mécaniques (une action, un résultat mesurable) chers aux politiques sectorielles, par des approches que l’on pourrait qualifier de biologiques (plusieurs actions résonnantes et un résultat global, plus apprécié que mesuré).
De façon très empirique, les politiques urbaines ont donc contribué à éclairer cette pensée complexe qu’Edgar Morin et d’autres ont appelé de leur vœux, mais qui, dans la réalité, n’a pas encore réussi à se concrétiser. Depuis vingt ans, la pensée politique a plutôt eu tendance à rétrécir son champ de vision pour ne considérer que les logiques économiques et financières.
Le constat qui s’impose est qu’une pensée politique moins simpliste (à défaut d’être complexe) ne peut se construire qu’en s’appuyant sur l’observation de modèles existants : non pas sur un ou deux modèles, mais sur des dizaines ou des centaines, de différentes échelles.
Dans ce contexte, les écoquartiers pourraient se retrouvent investis d’une mission qui ne figurait pas en tête de leurs priorités: être des prototypes de socio-écosystèmes, des incubateurs d’innovations transversales, et non, ce qui n’est déjà pas si facile, de simples quartiers à haute performance écologique. Démonstrateurs de « pratiques complexes », ils constitueraient autant de points d’appui pour penser la complexité des sociétés sans se perdre dans les boucles de l’analyse systémique.
L’affichage d’une telle ambition pourrait sans aucun doute dynamiser la démarche écoquartier. Il ne faut cependant pas se cacher qu’elle soulève plusieurs questions, qui sont autant de pièges redoutables. Ce sont notamment celles de l’échelle, du temps, du pilotage, de l’évaluation et de la médiatisation. A partir de quelle dimension un écoquartier peut-il prétendre pouvoir apporter des enseignements transposables à l’échelle d’une société ? Combien de temps faut-il pour que la mayonnaise sociétale prenne ? Qui conçoit l’utopie, qui la porte dans la durée ? Qui évalue, sur quels critères ? Quels sont les risques, ou les effets pervers, d’une médiatisation prématurée de l’expérience?
Ces questions renvoient toutes, en fait, au même paradoxe: la pensée politique, toutes tendances confondues, a aujourd’hui un besoin urgent de « modèles vivants » pour refonder ses visions de la société souhaitable ; les écoquartiers figurent en bonne place parmi les modèles observables, mais avant de pouvoir porter des enseignements transposables, ils ont besoin de grandir à leur rythme, sans se trouver trop tôt sous le feu des projecteurs.