Comprendre le logement pour comprendre la ville.

Pénurie de logements accessibles, habitat de relégation, processus d'étalement urbain et dédensification des centre-villes sont des maux qui semblent prendre aujourd'hui un caractère générique universel. Par ailleurs, la démolition est souvent la seule stratégie opposée à l'abandon et la déshérence des bâtiments de logements existants.
Le projet « Learning From », encadré par les enseignants Christophe Hutin et Daniel Estevez, organise des échanges entre la France (Toulouse) et l'Afrique du Sud (Johannesburg) pour réfléchir autrement à ces impasses apparentes de la production du logement. Il propose aux étudiants de conduire des projets expérimentaux qui explorent des alternatives crédibles à la démolition systématique ou à l'étalement résidentiel. L'approche du projet est fondée sur un dialogue productif où chaque partenaire, selon sa culture, apporte dans chaque expérience son expertise et son regard critique.

Les enseignements de Kliptown, Soweto. 

Comment transformer avec simplicité notre environnement quotidien? L'améliorer, le prolonger sans le détruire? Comment impliquer utilement architectes, habitants et constructeurs dans ces transformations écologiques ? L'atelier Learning From propose à des étudiants en architecture de travailler sur ces questionnements en menant des expériences constructives en milieu réel.
Les premières expériences se sont déroulées dans différents contextes urbains d'habitats spontanés en Afrique du Sud, notamment dans le bidonville de Kliptown. Le « squatter camp » de Kliptown regroupe aujourd'hui 55000 habitants logés dans des habitats spontanés sur une zone inondable dont la densité dépasse les 9000 h/km2. Kliptown regroupe essentiellement deux sortes d'habitat, d'une part des maisons historiques en maçonnerie datant des années 40 et d'autre part des habitats précaires spontanés en ossature bois et taules (shacks). Le développement des shacks a résulté d'un processus de densification informelle du lotissement initial. Kliptown représente un cas singulier de croissance de la ville dans lequel l'habitat spontané autoconstruit familial ou communautaire constitue une forme de réponse aux pressions démographiques. Si, à première vue, cet accroissement constant semble n’obéir à aucune règle urbaine explicite, on constate en revanche qu'il se déploie en développant et prenant appui sur la structure des institutions spontanées qui règlent la vie quotidienne des habitants. Les intensités sociales résultent en réalité de la richesse des institutions spontanées où la rue, espace fondamental de la quotidienneté, constitue souvent le support le plus important.

Une action qui part des situations existantes.

Au cœur de ces expériences, l'action sur le terrain occupe une place importante. Si celle-ci consiste en la mise en œuvre d'actions de conception collective (« les chantiers »), elle assume  dans le même temps le principe selon lequel l'observation précise d'un site est équivalente à une action pertinente sur lui. Il s’agit donc d’abord de réemployer ce qui existe déjà et de soutenir les dynamiques naissantes. Cette démarche définit un critère de pertinence du projet : s’appuyer sur ces structures et les savoirs faire en présence alimente des propositions à même d’être reçues positivement par les habitants.
La réflexion sur l’action favorise alors une utilisation non figée de l’espace urbain, le champ des pratiques doit accompagner la richesse communautaire. L’événement social du chantier, comme moment d’intensité et de partage, fournit souvent l'occasion de faire émerger aussi bien des données sociales tacites que des principes techniques opérationnels provenant du contexte. Ces chantiers intègrent des types de population et de situations hétérogènes (étudiants, habitants, professionnels en formation, éducation populaire, petite enfance, etc.).

Le chantier de l'orphelinat SKY (2012-2013)

L'atelier d'architecture « Learning From » a eu lieu du 19 au 30 Novembre 2012 au sein de l'orphelinat SKY dans le quartier informel de Kliptown à Soweto. Il s'est déroulé dans le cadre des saisons croisées France-Afrique du Sud 2012 & 2013. Le projet proposait de partir de l'état existant de l'orphelinat et de l'améliorer. Il a porté une attention particulière à ce qui était déjà là, aux matériaux disponibles et aux pratiques existantes. Des problèmes techniques ont été identifiés au départ, leur résolution par expérimentation a permis la fabrication de lieux et le soutien de plusieurs institutions existantes : l'orphelinat (confort des enfants, vie quotidienne, éducation, hygiène), les groupes artistiques (ateliers de danse, musique), les groupes de jardinages (création de jardins de rétention, d'une serre pour les semis et le lancement de jardins potagers), les groupes culinaires (cantine collective).
Cet atelier a été organisé en tant que session de formation professionnelle. Cent personnes de la communauté de Kliptown sont ainsi venues volontairement travailler dans le cadre du projet. Le dernier jour, un certificat leur a été remis afin d'attester des compétences développées au cours de cet événement. L'ensemble de ces personnes assurera le prolongement de ce travail et la maintenance du site après le chantier. Ce chantier lui-même a constitué la création d'une institution qui demeure aujourd'hui active pour la maintenance du quartier (groupe maçon-réparateurs).

Le chantier du cinéma SANS-SOUCI (2013-2014)

En 2000 un projet de rénovation a été lancé par l'association locale Kliptown Our Town Trust (KOTT) afin de restaurer la ville et certains quartiers situés entre la voie ferrée et la rivière. Cette zone souffre encore aujourd’hui de l’absence de services publics essentiels. La communauté de Kliptown s’est constituée en trust (aujourd’hui One Love Trust a l’origine KOTT) afin de réhabiliter l’ancien Kliptown et ses qualités. Le désir majeur de la communauté est de redévelopper les espaces publics qui furent symboliques dans l’histoire de la ville, comme par exemple la rivière Kilspruit qui était le site privilégié pour les pique-niques et le Sans Soucis Cinéma qui fut un espace culturel et social pour tous les membres de la communauté.
Le Cinéma Sans Souci a été construit en 1948. Il fut une institution majeure pour les gens de Kliptown qui l’utilisaient en tant que salle de cinéma mais aussi en tant que salle de concert, salle de conférences et de meeting politique. En 1995 l’édifice a été démoli par un incendie. Réhabiliter le cinéma, en tant que lieu culturel multifonction (musique, danse, théâtre, projections, ...) est l'objectif à atteindre pour fêter dignement les 20 ans de la Liberté en Afrique du Sud. Ce chantier souhaite se baser sur la même approche mise en œuvre en novembre 2012 à l’orphelinat SKY soit :

• une collaboration entre les étudiants de l’ENSA Toulouse et la communauté (collaboration avec les artisans, les maçons, les jardiniers, etc.)
• un partenariat et un support technique d’entreprise de la construction
• un échange de compétences entre les étudiants et la communauté
• un événement culturel et social dans le bidonville
  

Pour en savoir plus sur le projet :
http://learningfrom.olympe.in

L'atelier Learning From est à la recherche de financement pour réaliser ce projet, notamment pour les frais de voyage. Le site de crowdfunding Kisskiss Bankbank accueille leur collecte jusqu’au 25 mars 2014 : ici

Contacts :
christophe.hutin@toulouse.archi.fr
daniel.estevez@toulouse.archi.fr
leclublearningfrom@gmail.com

Ateliers Learning From,
ENSA Toulouse
Christophe Hutin et Daniel Estevez
82 rue A. Maillol 31100 TOULOUSE

Blog: http://learning-from.over-blog.fr
Vidéos:
https://www.youtube.com/watch?v=41YCiLvYgrk
https://www.youtube.com/watch?v=DWmImCvGI5M