Parfois, ce n'est pas dans le bâti qu'on trouve les solutions, mais hors les murs. Dans les friches urbaines, dans les jardins publics, sur les jardinières  ou au creux des talus, un mouvement plante sa graine et grandit à vue d'oeil: les Incroyables Comestibles.

Vous en avez peut être entendu parler, et peut être pas. Dans le cas second, rien de grave: il faut dire que le mouvement pourrait être qualifié de souterrain, puisque non institutionnel, et que pour une fois, il interpelle l'individu avant le collectif ou les pouvoirs publics (pourtant eux aussi concernés, à terme).
Les incroyables comestibles sont nés de l'imagination farfelue (a priori) d'habitants de Todmorden, au Royaume Uni. Elless étaient trois pour être exact, et ont initié en 2008 un mouvement qui est aujourd'hui mondial. Le principe est simple: transformer  des espaces verts publics, réglementés ou pas, en potagers, vergers ou jardins d'herbes aromatiques. Des bénévoles s'en occupent gratuitement, et chacun peut ramasser ce dont il a besoin: c'est de la cueillette en libre service.

De l’économie locale au lien social
La démarche n'est pas uniquement économique, elle est aussi porteuse de valeurs sociales et écologiques, mais à ses débuts, elle était centrée sur le principe de l'autosuffisance alimentaire, facile à expliquer et diffuser.
Les trois personnes à l'origine du projet s'inquiétaient du pouvoir d'achat en baisse dans leur petite ville de 15 000 âmes, fortement désindustrialisée et en chute démographique. Craignant l'avènement d'une ville dortoir, et en refusant le principe, elles ont cherché à impliquer leurs co-citoyens via cette démarche de production locale.
Car il s'agit aussi de cela: en produisant localement et gratuitement les fruits et légumes nécessaires aux habitants de la ville, le goût des produits frais et locaux et l'exigence de qualité qui va avec leur est revenu. Et l'économie locale ne s'en porte que mieux : de nouveaux commerces ont ouvert en ville, tous approvisionnés localement, ont ouvert, et un tourisme « potager » a émergé, entraînant l’ouverture de nombreux Bed and Breakfast.

Un espace public apaisé
Désormais, les malades de l'hôpital local peuvent cueillir des pommes sur les pommiers à l'entrée du bâtiment, et le passant peut récolter sa laitue dans les jardinières du commissariat. Le commissaire constate d’ailleurs une baisse notable de la criminalité dans la ville depuis la mise en place de l’initiative, même s’il ne peut pas formellement lier les deux phénomènes.
Tout à coup, l'espace public n'est plus seulement un lieu de passage, mais aussi un lieu d'échange, de contemplation, d’appropriation et d'éducation.
Car contrairement à ce que certaines mauvaises langues professaient, il n'y a pas eu d'actes de vandalisme, de consommation excessive des produits mis à disposition. En se servant uniquement de ce dont ils ont besoin, les passants témoignent de respect à la fois pour l'initiative, mais aussi pour les autres qui, comme eux, récoltent de quoi agrémenter leur diner. Un respect qui apaise la pratique de l’espace public et qui rappelle que non, dans la rue, dans la ville, la règle du « chacun pour soi » n’est pas forcément celle qui prime.

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