Maîtriser l'eau : quels enjeux pour demain ? Rencontre avec Thierry Maytraud, de l'Agence ATM
L'eau est une ressource autant qu'un risque, mais dans les approches urbaines contemporaines de la gestion de l'eau, elle est surtout envisagée comme un problème. Pourtant, les intérêts climatiques et écologiques d'une gestion intégrée de l'eau sont non négligeables. Alors, comment envisager les aménagements en rapport avec l'eau d'une façon plus durable ? Thierry Maytraud, de l'Agence ATM, a répondu à nos questions.
Il existe deux approches principales de la gestion de l'eau.
L'approche traditionnelle, dite VRD, qui renvoie aux ouvrages enterrés, avec des question d'ingénieurie lourde, et qui ne sont pas forcément pérennes puisque ces aménagements nécessitent un entretien qui se révèle plutôt couteux sur le long terme.
Mais également une approche plus urbaine, dite « intégrée », architecturale, intégrée au paysage, où l'on superpose les usages hydroliques (plus périodiques) et d'autres usages urbains. Aujourd'hui, cette approche n'est plus si novatrice. D'autres enjeux sont venus s'y ajouter.
En 2003, on a constaté une forte inertie thermique dans les milieux urbains denses, avec les conséquences que l'on sait. Ce qui est frappant, c'est qu'à Paris, la température était la même le jour que la nuit. En revanche, à Versailles, où il y avait de nombreux espaces verts, la température baissait pendant la nuit, ce qui permettait une sorte de répit aux habitants. Aujourd'hui, on sait qu'un espace vert de 100m2 baisse la température sur un rayon de 100 m autours. C'est ce qu'on appelle le phénomène d'évapotranspiration.
On travaille aussi sur les espaces inondables : qui ne le sont pas en temps normal, mais qui, en cas de fortes pluies, peuvent absorber les excédent de précipitation. On crée des espaces publics inondables, qui ont alors une double fonction, et qui réduisent les coûts induits, puisqu'en gérant les espaces publics inondables, on gère du même coup les infrastructures de gestion de l'eau.
Par ailleurs, plein de types de bassins versants sont exploitables. Et d'autres techniques pour arroser les espaces verts par ruissellement de surface par exemple peuvent être envisagée. A terme, on solutionne plusieurs problèmes en un seul projet, et on évite ces fortes pollutions qu'on craint souvent en parlant d'eau de ruissellement.
Si on choisit une approche « à l'ancienne », on va avoir un spécialiste pour chaque chose qui va travailler sur un point précis du projet. C'est plus facile car il y a moins d'interactions, moins de temps de débats. Si on choisit l'approche « intégrée », cela nécessite plus de temps de travail en amont, plus d'études, plus de conception et d'interactions entre les différents acteurs du projet.
Mais lorsqu'on a deux fonctions en une, il y a un intérêt écologique non négligeable, et il y a souvent des subventions ou des coûts pris en charge de ce fait.
TM : Oui, les espaces verts, mais pas seulement. Tout ce qui est non bâti sur un plan masse peut être support de l'eau. Un parvis d'école, une place de marché, peuvent très bien être inondables. Car par exemple, pour les pluies d'orage sur une période de 10 ans, il y aura au maximum 4 cm d'eau de pluie à l'endroit où elle tombe, et la plupart des pluies seront plus petites. A partir du moment où on le sait, c'est une notion plus facile à gérer.
En amont, on a accru le ruissellement notamment via les raccordements sur les ruisseaux. Alors qu'en travaillant en amont en favorisant l'inertie de l'eau, un cheminement plus long permet une meilleure maîtrise de l'eau. En gardant un temps de stockage plus long (plus il est court, plus il y a de crues), en créant de longs parcours pour l'eau, en choisissant du micro stockage et en cumulant ces actions, on joue sur les phénomènes de crue, et on limite leur ampleur. Mais on les empêchera pas, puisqu'elles sont par ailleurs un phénomène naturel qui doit être pris en compte dans l'aménagement.
Le site internet de l'Agence Thierry Maytraud
Depuis quand se soucie t on de la gestion de l'eau ?
TM : La gestion de l'eau est un problème ancien. On a souvent considéré la gestion de l'eau comme un problème, comme lors des inondations de cet hiver. Mais ces épisodes là sont ponctuels. Aujourd'hui, la grande question est la pérennité des aménagements et dispositifs de gestion de l'eau.Il existe deux approches principales de la gestion de l'eau.
L'approche traditionnelle, dite VRD, qui renvoie aux ouvrages enterrés, avec des question d'ingénieurie lourde, et qui ne sont pas forcément pérennes puisque ces aménagements nécessitent un entretien qui se révèle plutôt couteux sur le long terme.
Mais également une approche plus urbaine, dite « intégrée », architecturale, intégrée au paysage, où l'on superpose les usages hydroliques (plus périodiques) et d'autres usages urbains. Aujourd'hui, cette approche n'est plus si novatrice. D'autres enjeux sont venus s'y ajouter.
Quels sont ces autres enjeux ?
TM : Les notions de trame verte et trame bleue sont de plus en plus intégrée dans la question de la gestion de l'eau. On s'inquiète aussi de plus en plus de la question des charges financières induites par les aménagements destinés à la gestion des eaux. On cherche aussi à faire ressortir l'élément « eau » dans l'aménagement urbain, alors qu'avant on cherchait plus à le cacher.Et par rapport au développement durable ?
TM : Forcément, la question du développement durable influe beaucoup sur la gestion de l'eau. La question du réchauffement climatique par exemple, a amené à réfléchir à la question des îlots de fraîcheur. En 2003, on a constaté une forte inertie thermique dans les milieux urbains denses, avec les conséquences que l'on sait. Ce qui est frappant, c'est qu'à Paris, la température était la même le jour que la nuit. En revanche, à Versailles, où il y avait de nombreux espaces verts, la température baissait pendant la nuit, ce qui permettait une sorte de répit aux habitants. Aujourd'hui, on sait qu'un espace vert de 100m2 baisse la température sur un rayon de 100 m autours. C'est ce qu'on appelle le phénomène d'évapotranspiration.
On travaille aussi sur les espaces inondables : qui ne le sont pas en temps normal, mais qui, en cas de fortes pluies, peuvent absorber les excédent de précipitation. On crée des espaces publics inondables, qui ont alors une double fonction, et qui réduisent les coûts induits, puisqu'en gérant les espaces publics inondables, on gère du même coup les infrastructures de gestion de l'eau.
Est ce qu'on peut dire que le regard sur l'eau aujourd'hui a changé ?
TM : On peut dire qu'il a évolué. Avant, on considérait essentiellement l'eau comme un risque. Aujourd'hui, on a aussi intégré que l'eau est une ressource, une richesse, qu'il faut préserver. C'est pourquoi de plus en plus, plutôt que de canaliser et évacuer l'eau, on cherche à favoriser son infiltration, notamment pour recharger les nappes phréatiques. Car si on peut recharger les nappes, alors on peut puiser dedans, et les problèmes de sécheresses qu'on rencontre parfois pendant l'année peuvent ainsi être évités. Alors qu'à l'heure actuelle, dans certaines régions, les ressources en eau sont complètement taries suite au pompage des nappes phréatiques. Mais l'eau aujourd'hui dans les nappes phréatiques est polluée, donc pas toujours exploitable ?
TM : C'est vrai qu'il y a une crispation autours de la qualité des eaux pluviales. Sur les gros bassins versants, la qualité est mauvaise, alors qu'en amont de ces bassins, l'eau est en fait peu polluée. C'est le fait de rassembler les eaux de ruissellement dans de gros bassins versants qui implique une concentration de la pollution dans les eaux de pluie. Comment peut on remédier à cette pollution ?
TM : Par exemple, sur une opération urbaine, il vaut mieux créer plusieurs petits bassins versants. On va travailler sur des mails piétons, des squares inondables, ce qui permet d'éviter cette concentration de la pollution.Par ailleurs, plein de types de bassins versants sont exploitables. Et d'autres techniques pour arroser les espaces verts par ruissellement de surface par exemple peuvent être envisagée. A terme, on solutionne plusieurs problèmes en un seul projet, et on évite ces fortes pollutions qu'on craint souvent en parlant d'eau de ruissellement.
Est ce que ce sont des solutions envisagées aujourd'hui par les acteurs de l'urbanisme ?
TM : Aujourd'hui, non, ce n'est pas automatique. Ces approches intégrées nécessitent de modifier les limites de prestations de chacun et les méthodes de travail de l'ensemble des praticiens de l'aménagement. Si on choisit une approche « à l'ancienne », on va avoir un spécialiste pour chaque chose qui va travailler sur un point précis du projet. C'est plus facile car il y a moins d'interactions, moins de temps de débats. Si on choisit l'approche « intégrée », cela nécessite plus de temps de travail en amont, plus d'études, plus de conception et d'interactions entre les différents acteurs du projet.
Quelle est la bonne approche alors selon vous ?
TM : On peut s'interroger, parce qu'il existe une économie au final sur l'opération, si on parle d'un mail piéton ou d'un square piéton par exemple, il y a deux espaces en un. Mais on ne peut pas non plus dire que c'est moins cher. Les deux approches ont un coût comparable au final. Mais lorsqu'on a deux fonctions en une, il y a un intérêt écologique non négligeable, et il y a souvent des subventions ou des coûts pris en charge de ce fait.
Donc aujourd'hui, on peut gérer l'eau à travers tous les espaces verts ?
TM : Oui, les espaces verts, mais pas seulement. Tout ce qui est non bâti sur un plan masse peut être support de l'eau. Un parvis d'école, une place de marché, peuvent très bien être inondables. Car par exemple, pour les pluies d'orage sur une période de 10 ans, il y aura au maximum 4 cm d'eau de pluie à l'endroit où elle tombe, et la plupart des pluies seront plus petites. A partir du moment où on le sait, c'est une notion plus facile à gérer.
On peut parler de « peur de l'eau » dans l'aménagement ?
TM : Oui, bien sûr, l'eau est une ressource, mais elle a toujours été abordée en tant que risque. Il y a toute une peur autours de l'eau, et du fait de cette peur la superposition des usages n'est pas facile à penser. Souvent, les acteurs de la maîtrise d'ouvrage ou de la maîtrise d'oeuvre ont tendance à penser qu'on conçoit un espace soit pour un usage urbain, soit pour qu'il soit inondable. Ce sont des espaces séparés, alors que 4 cm d'eau c'est la hauteur d'une pluie décennale. Il y a une dramatique autours de la notion d'inondation. Pourtant, on a bien vu cet hiver les dégâts que peut faire l'eau...
TM : Oui, mais il y a une confusion dans l'esprit commun entre les eaux de ruissellement et les débordements de rivières. En amont, on a accru le ruissellement notamment via les raccordements sur les ruisseaux. Alors qu'en travaillant en amont en favorisant l'inertie de l'eau, un cheminement plus long permet une meilleure maîtrise de l'eau. En gardant un temps de stockage plus long (plus il est court, plus il y a de crues), en créant de longs parcours pour l'eau, en choisissant du micro stockage et en cumulant ces actions, on joue sur les phénomènes de crue, et on limite leur ampleur. Mais on les empêchera pas, puisqu'elles sont par ailleurs un phénomène naturel qui doit être pris en compte dans l'aménagement.
Le site internet de l'Agence Thierry Maytraud
Commentaires
1 09 octobre 2014 à 15h41 par Aurore
Bonjour, la problématique de l'eau est préoccupante. Que ce soit en ville ou même à la campagne. Certains petits hameaux gèrent eux-même leur eau sans passer par une structure étatique voire privée. A voir seulement ce qui se passe à Marseille ! L'eau du robinet, malgré le fait qu'elle soit potable, n'est pas toujours d'une grande qualité. De plus en plus de ménages investissent dans des filtres et autres produits pour purifier l'eau. Sans oublier, qu'il va vraiment falloir une plus grande sensibilisation sur le gaspillage de l'eau et comment faire de réelles économies. Merci pour cet article et votre super blog.