Eco-quartiers.fr - Le blog - Octobre 2014 - Rencontre avec Cécile DUFLOT 2/2

  Le 8 septembre 2014, la rédaction d'Eco-quartiers.fr rencontrait Cécile DUFLOT. L'occasion d'aborder quelques sujets d'actualité, de revenir sur les effets de la loi ALUR et plus largement de sa participation au gouvernement. La deuxième partie de l'interview aborde l'évolution...

Rencontre avec Cécile DUFLOT 2/2

 
Cécile DUFLOT


Le 8 septembre 2014, la rédaction d'Eco-quartiers.fr rencontrait Cécile
DUFLOT. L'occasion d'aborder quelques sujets d'actualité, de revenir sur
les effets de la loi ALUR et plus largement de sa participation au
gouvernement. La deuxième partie de l'interview aborde l'évolution récente des projets d'éco-quartiers le rôle des acteurs de l'aménagement.


Quel est aujourd’hui la plus-value des projets écoquartiers et du label qui les accompagnent ?

On en est aujourd’hui au stade de la pré-généralisation, et un jour il n’y aura plus que des écoquartiers. Et c’est une bonne façon de penser l’élaboration de l’urbanisme.
Le label c’était nécessaire parce que c’était devenu une sorte de marque qui était utilisée à tord et à travers, pour tout et pour rien. Il suffisait de mettre un mur végétal sur la chaufferie pour dire que c’était un écoquartier.
C’est pour ça qu’il fallait faire ce label et là où il est intéressant c’est qu’il travaille sur la démarche d’élaboration et l’association des habitants. Il couvre l’ensemble des champs de ce que doit être une démarche d’urbanisme durable. C’est novateur, c’est certain, mais ce n’est ni anecdotique ni simplement expérimental. Ca deviendra la règle d’élaboration et de travail. Il y a un apport respectif des techniciens, des habitants et des élus.

Comment renforcer le rôle des usagers et une gouvernance de projet adaptée pour par rapport à une planification réglementaire de plus en plus stratégique ?

Il y a un vrai sujet autour des conseils de quartier et des budgets participatifs. On peut très bien avoir une réflexion sur la possibilité d’organiser un compostage collectif à l’échelle du quartier, qui n’est pas incompatible avec un ramassage des ordures organisé à l’échelle de l’agglomération. Il ne faut pas opposer les deux choses et imaginer qu’il ne puisse pas y avoir des modes de gouvernance infra communaux, à partir du moment cette articulation est bien pensée avec les politiques publiques. Et là, il y a aussi un apprentissage politique à faire. Par exemple, si l’élaboration d’un projet de rénovation d’un parc se fait avec les habitants, la vie de ce parc et son entretien seront aussi simplifiés. Il y a une espèce de continuum entre la manière dont on conçoit et la manière dont on gère.
En même temps, il y a une vraie question qui est la mise en relation de la vie d’un quartier avec la vie de l’ensemble. Comment arrive-t-on à faire, dans le cadre de la concertation, ce lien avec un quartier qui ne doit pas être fermé sur lui ? C’est parfois la limite des écoquartiers, avec le risque d’un microsystème urbain pensé comme un îlot par ses propres habitants, qui n’est pas en relation avec leur environnement immédiat et le reste de la ville.

L’écoquartier n’est pas non plus forcément un grand projet en milieu urbain ?

En milieu rural, il y a la question du renouvellement des centres-bourgs, on est face à un défi absolument considérable concernant la nécrose des centres-bourgs que l’on mesure mal parce que ce sont des petits cas. Ce sera l’étape 2 des écoquartiers, comment fait-on un écoquartier d’un quartier existant ? Parce que quand on part d’une page blanche c’est facile, mais qu’est-ce qu’on fait quand on est une ville existante et qu’on veut la faire évoluer ? J’ai été très marquée par ce qu’ont fait les équipes de Solar Décathlon cette année à Versailles, sur la surélévation de bâtiments qui nourrissent le bâtiment lui-même en termes d’énergie, de fonctionnement, etc. Il y a vraiment une question importante pour écologiser la ville existante.
On commence par réfléchir à la parcelle puis on se demande ce qu’on veut comme ville, puis qu’est-ce qu’on veut comme espaces verts, comme espaces productifs, comme espaces de loisirs, et donc évidement on peut remonter jusqu’au bout, quel modèle de société on veut ? C’est intéressant parce qu’on peut partir d’un tout petit sujet, « quel type d’immeuble construit-on à tel endroit ? » et aller très très loin.

Concernant la gestion du foncier, y a-t-il des choses que vous auriez aimé mettre dans la loi ALUR et que vous n'avez pas fait ?

Il y a quelque chose autour de la maîtrise foncière anticipée qui est décisive. Quand on construit un tramway pour une meilleure accession des personnes situées en périphérie de la ville, immédiatement les terrains des zones en mutation flambent en termes de prix sans que la plus-value ne soit absorbée par la collectivité qui a tout de même financé les travaux. 
Il y a de toute façon un sujet qui déborde l’urbanisme qui est le coût de l’immobilier en France qui est plus élevé qu’ailleurs, et puis il y a aussi une question de technique. Je pense qu’on doit pouvoir moderniser les techniques de construction. On construit encore de façon très traditionnelle. Et on doit de mon point de vue réussir à penser les lieux de vie dans le cadre d’une densité confortable. On  a souvent opposé la densité à un modèle de lotissement où chacun a sa maison et son jardin. Mais le besoin qui est exprimé par les gens il est réel, il faut alors trouver le moyen que ce besoin soit satisfait. On peut par exemple organiser les immeubles avec un jardin intérieur protégé, où on a vue depuis la cuisine sur la balançoire.
Il faut partir des envies de vivre, plutôt que d’un modèle préconstruit par des urbanistes. Pour moi l’exemple absolu, c’est l’urbanisme de dalle, où on a théorisé comment les gens allaient vivre sans être du tout en phase avec les besoins réels.

Les établissements publics fonciers ont-ils vu leur rôle renforcé par la loi ALUR ?

La loi ALUR donne un statut plus confortable et plus clair aux établissements publics fonciers (EPF). Et par ailleurs, moi qui suis très décentralisatrice, j’ai senti que chez tous les acteurs, et notamment les élus régionaux, que le maintien d’un établissement public d’Etat est très rassurant parce que ça délie le rôle de l’EPF des enjeux locaux et que ça lui permet d’avoir une vision à plus long terme que s’il était dans une logique uniquement territoriale.
Cela dit la loi ALUR propose des choses qui ont pu contrarier, comme l’impossibilité de superposition de plusieurs EPF sur un même territoire, ce qui pouvait sembler tomber sous le sens. Et d’un autre côté l’objectif de couvrir tout le territoire par des EPF, avec une incitation forte de part les moyens qui leur sont accordés.

La priorité actuelle c’est la loi de transition énergétique qui a des
conséquences sur questions d’urbanisme et de construction
Quelles sont maintenant les priorités à l’Assemblée pour les semaines et les mois qui viennent ?
L’abrogation de la loi ALUR n’est pas à l’ordre du jour. Le premier ministre peut faire toutes les déclarations qu’il veut, mais la loi telle qu’elle a été votée est la loi de la République donc elle s’applique.
La priorité actuelle c’est la loi de transition énergétique qui a des conséquences sur questions d’urbanisme et de construction. Il va y avoir un débat sur l’obligation de rénovation qui sera un débat compliqué, surtout dans une période à moyen publics contraints.
Et au delà de la loi de transition énergétique, c’est la prise de conscience en fait. On est dans une situation particulière, les préoccupations écologiques ont bien progressées dans les territoires, dans les entreprises et beaucoup moins à la tête de l’Etat. Et c’est vrai qu’un an avant la réunion de la  COP 21 à Paris, il y a une mobilisation à faire autour de ces enjeux là pour qu’ils soient plus compris et plus partagés.
La France va accueillir la COP sans avoir eu d’avancées majeures sur le sujet. Je suis très heureuse qu’on ait labellisé les écoquartiers mais, même si c’était indispensable, ce n’est pas la panacée.
Il y a un élément qu’on ne voit pas dans le développement des écoquartiers, c’est l’aspect rassurant pour les autres collectivités. Quand il y a un endroit qui existe et qui fonctionne, on se dit, c’est possible pour nous aussi. Donc je crois aussi aux appels à projets, à la visibilité, au fait qu’il y ait des articles dans la presse locale, pour dire eux ils y sont arrivés alors pourquoi pas nous.
On est dans un pays particulier, tout ça pourrait se faire sans aucune intervention de l’Etat avec des initiatives locales, mais on attend aussi que l’Etat donne son imprimatur. D’où l’intérêt du label qui laisse la possibilité de s’emparer du sujet sans être trop contraignant. On est dans un moment où toutes les initiatives sont bonnes à prendre.
Et puis il y a un effet de génération sur les professionnels aussi. Il y a des gens qui ont appris à venir vers ça mais qui n’ont pas les réflexes initiaux et puis il y a des gens qui arrivent sur le marché du travail et qui sont nés avec cette compréhension presque intuitive.
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