Une ville verte, frugale et désirable (1/2) - Beauséjour, Sainte-Marie de La Réunion
26/01/2015 - Rédaction EK (EcologiK)
Première partie de la visite de l’écoquartier Beauséjour par Dominique Gauzin-Müller.
Article à retrouver dans le numéro 37 du magazine EK (EcologiK).
Au nord de La réunion, sur les mi- pentes de Sainte-Marie, les acteurs de Beauséjour inventent depuis 2006 une urbanité créole, qui introduit une densité à l’échelle humaine dans un territoire couvert de kaz a tèr [1].
Idéalement situé sur un versant orienté au nord [2], avec vue panoramique sur l’océan indien, le projet répond aux deux grands défis de ce département d’outre-mer. À l’ère des dérèglements climatiques, comment réduire les émissions de gaz à effet de serre et anticiper l’aggravation des tempêtes tropicales [3] ? Alors qu’une population métissée d’un million d’habitants devrait se partager cette île volcanique en 2030, comment offrir à tous un logement agréable dans un cadre de vie écoresponsable?
Les travaux avancent rapidement, selon un processus plein de créativité mené avec de nombreux acteurs fortement impliqués : l’équipe de maîtrise d’œuvre (l’urbaniste Christian Charignon et son agence Tekhnê, le paysagiste Didier Larue et son atelier ld, UPAU, LEU réunion, etc.), les consultants extérieurs, les entreprises, etc. L’approche pluridisciplinaire des professionnels est complétée par une démarche participative : journées portes ouvertes bimestrielles, réunions du comité de pilotage réunissant partenaires privés et publics (caue, ademe, deal, etc.).
C’est le génie du lieu qui a donné son âme au projet urbain et paysager : le respect des traces des chemins canniers, du parcours de l’eau et de la biodiversité ; l’intégration dans les bâtiments des varangues [4] et guétalis [5] traditionnels… Les principes fondateurs ont été dictés par la géographie : une pente moyenne d’environ 9 %, creusée par les profondes ravines dues au ruissellement concentré de précipitations rares, mais violentes, un fort ensoleillement toute l’année et l’exposition aux alizés soufflant de l'océan par l'est.
Pour en savoir plus
Le Défi de Beauséjour Une ville tropicale durable à La Réunion
Dominique Gauzin-Müller, Eyrolles, 2014.
www.beausejour.re
[1] En créole « case à terre », maison individuelle en rez-de-chaussée, souvent entourée d’un jardin luxuriant.
[2] La meilleure orientation dans l’hémisphère sud.
[3] Le 2 janvier 2014, l’œil de Béjisa, un cyclone tropical particulièrement puissant, a touché de plein fouet l’île par l’ouest et occasionné de très nombreux dégâts.
[4] Véranda en bois située à l’entrée des cases créoles.
[5] En créole « guette à lui », kiosque en bois permettant de surveiller la rue depuis le jardin.
Image 1 – Vue aérienne de Sainte-Marie
Image 2 - © tekhnê architectes - archizip j. rival
Image 3 - © tekhnê architectes - archizip j. rival
Article à retrouver dans le numéro 37 du magazine EK (EcologiK).
Au nord de La réunion, sur les mi- pentes de Sainte-Marie, les acteurs de Beauséjour inventent depuis 2006 une urbanité créole, qui introduit une densité à l’échelle humaine dans un territoire couvert de kaz a tèr [1].
Idéalement situé sur un versant orienté au nord [2], avec vue panoramique sur l’océan indien, le projet répond aux deux grands défis de ce département d’outre-mer. À l’ère des dérèglements climatiques, comment réduire les émissions de gaz à effet de serre et anticiper l’aggravation des tempêtes tropicales [3] ? Alors qu’une population métissée d’un million d’habitants devrait se partager cette île volcanique en 2030, comment offrir à tous un logement agréable dans un cadre de vie écoresponsable?
ENGAGEMENT, SOUPLESSE ET CRÉATIVITÉ
Cette opération publique d’aménagement est portée par CBo Territoria, une société foncière privée réunionnaise, également active dans le développement et la promotion. C’est après une visite à Fribourg que son PDG, Eric Wuillai, a décidé de « construire pour des citoyens plus solidaires une ville durable à la hauteur des enjeux environnementaux ». L’attitude des responsables de la commune de Sainte-Marie a joué un rôle décisif. Pour le maire, Jean-Louis Lagourgue, Beauséjour est un « véritable laboratoire de recherche et développement ». Jocelyn Trulès, directeur général des services, renchérit : « L’essentiel est la coproduction entre la Ville et l’aménageur, la symbiose entre les élus, l’administration et CBo Territoria. Ils ont compris nos exigences, nous avons accepté qu’ils bousculent notre train-train. Ici, pas de dogme, s'il y a des modifications, on les accepte, car c’est pour le bien du projet. » Une souplesse qui fait rêver…Les travaux avancent rapidement, selon un processus plein de créativité mené avec de nombreux acteurs fortement impliqués : l’équipe de maîtrise d’œuvre (l’urbaniste Christian Charignon et son agence Tekhnê, le paysagiste Didier Larue et son atelier ld, UPAU, LEU réunion, etc.), les consultants extérieurs, les entreprises, etc. L’approche pluridisciplinaire des professionnels est complétée par une démarche participative : journées portes ouvertes bimestrielles, réunions du comité de pilotage réunissant partenaires privés et publics (caue, ademe, deal, etc.).
GENIUS LOCI CREOLE
Même si Beauséjour remplit un espace entre deux quartiers résidentiels existants, certains critiquent son implantation sur d’anciens champs de canne. Christian Charignon relativise : « L'artificialisation d’une terre agricole fertilise ici une ville écoconçue de 78 hectares, dont 27 d’espaces publics, 2 300 logements et environ 90 000 mètres carrés de commerces, services et activités. » La forte présence du végétal, qui couvre environ un tiers de la ZAC, rend supportable la densité du bâti, inédite à La réunion.C’est le génie du lieu qui a donné son âme au projet urbain et paysager : le respect des traces des chemins canniers, du parcours de l’eau et de la biodiversité ; l’intégration dans les bâtiments des varangues [4] et guétalis [5] traditionnels… Les principes fondateurs ont été dictés par la géographie : une pente moyenne d’environ 9 %, creusée par les profondes ravines dues au ruissellement concentré de précipitations rares, mais violentes, un fort ensoleillement toute l’année et l’exposition aux alizés soufflant de l'océan par l'est.
tous les logements devaient avoir une vue sur la mer ou la montagne
UNE PART DE BONHEUR
Les choix sont à la fois écologiques et économiques. Le bâti s’élève jusqu’à six niveaux pour préserver le foncier, de plus en plus rare et précieux sur l’île, tout en dégageant des espaces de vraie nature. La mixité est un mot-clé du projet urbain : habitat, bureaux, équipements, magasins et services se mêlent au sein des quartiers, des îlots, voire des bâtiments. Des commerces provisoires ont été édifiés sur fonds propres par CBo Territoria, afin que les premiers résidents trouvent à proximité boulangerie, épicerie, snack, fleuriste et relais presse. Si 40 % des appartements ou maisons en bandes appartiennent au secteur hlm, la qualité de leur architecture évite toute discrimination : « Pas de marqueur social ! » scande Eric Wuillai. Jocelyn Trulès renchérit : « nous avons décidé que tous les logements devaient avoir une vue sur la mer ou la montagne. Chacun a droit à sa part de bonheur ! » Les économies d’énergie sont une autre priorité. Sur toute la ZAC, le confort d’été n’est assuré que par la ventilation naturelle et d’autres mesures bioclimatiques. La mobilité est douce. Dans cette ville des courts chemins, les enfants vont à pied à l’école et au collège, leurs parents font les courses sur le vélo électrique livré avec chaque résidence privée et se rendent au travail avec les bus en site propre qui mènent à Saint-Denis et Sainte-Marie.Pour en savoir plus
Le Défi de Beauséjour Une ville tropicale durable à La Réunion
Dominique Gauzin-Müller, Eyrolles, 2014.
www.beausejour.re
[1] En créole « case à terre », maison individuelle en rez-de-chaussée, souvent entourée d’un jardin luxuriant.
[2] La meilleure orientation dans l’hémisphère sud.
[3] Le 2 janvier 2014, l’œil de Béjisa, un cyclone tropical particulièrement puissant, a touché de plein fouet l’île par l’ouest et occasionné de très nombreux dégâts.
[4] Véranda en bois située à l’entrée des cases créoles.
[5] En créole « guette à lui », kiosque en bois permettant de surveiller la rue depuis le jardin.
Image 1 – Vue aérienne de Sainte-Marie
Image 2 - © tekhnê architectes - archizip j. rival
Image 3 - © tekhnê architectes - archizip j. rival