En France, fabriquer de nouveaux bâtiments écologiques, que ce soit par des normes techniques de construction, des réglementations thermiques exigeantes ou des préceptes de durabilité, consiste non seulement à fabriquer de nouveaux habitats mais également de nouveaux modes d’habiter. En effet, les nouveaux dispositifs techniques durables qui constituent un bâtiment performant énergétiquement (type Basse Consommation BBC), comme la double peau extérieure, la façade végétalisée, les matériaux naturels, les ventilations double-flux, les morphologies économes de logement, etc.,  projettent toujours de nouvelles attentes sur les pratiques sociales quotidiennes des usagers. Dans les projets français d’écoquartiers actuels, cette projection dans l’éco-habitat est également accompagnée d’un ensemble instruments pédagogiques à destination des usagers qui explicitent les comportements durables et éco-gestes attendus, que ce soit par des guides de bonnes pratiques, des séances d’accueils, des bande-dessinées à destination des enfants et des étrangers (Illustration 1), ou encore par l’attention soutenue de divers pédagogues dans la vie quotidienne des bâtiments (1).
                                     
Mais que deviennent ces nouveaux dispositifs techniques durables à l’usage ? Dans quelles mesures sont-ils confrontés par les attentes qu’ils produisent aux imaginaires collectifs des usagers ? Autrement dit, comment les règles de savoir-vivre et de savoir-habiter intériorisées par les habitants s’approprient ces innovations techniques ? Et en quoi cette confrontation nous renseigne sur la pérennité des constructions écologiques dans le temps ?

Du point de vue méthodologique, cette recherche s’inscrit dans le cadre d’une thèse de doctorat à l’INSA de Lyon sur les éco-quartiers français. Elle s’appuie sur l’analyse détaillée des pratiques sociales d’une vingtaine de foyers d’un bâtiment de logement social dans l’écoquartier De Bonne à Grenoble. Elle s’est construite systématiquement à partir :

> A - D’entretiens enregistrés in-situ orienté sur les dispositifs techniques de l’habitat.
> B- D’entretiens non-enregistrés in situ sur les dispositifs techniques de l’habitat.
> C - De notes écrites ou photographiques sur l’archéologie de l’habitat.

Pour tenter d’éclairer ces questions, nous avons choisi d’analyser les usages que révèlent les pratiques sociales du bâtiment BBC de logement social Le Pallium dans l’écoquartier De Bonne à Grenoble après deux ans de vie. Afin de faciliter la lecture, nous orienterons notre analyse sur quatre dispositifs techniques emblématiques du bâtiment du point de vue des économies d’énergie, qui feront l’objet des articles à venir :  

1- les terrasses sur passerelles extérieures bois
2- la façade végétalisée
3- la ventilation double flux
4- le sol écologique marmoléum

A suivre…


(1) Notons par exemple dans le cas du logement social le rôle des chefs de secteurs dans la formation des habitants aux éco-gestes et bons modes d’habiter, que ce soit par des affichages dans le hall, des notes dans les boites aux lettres, des échanges sur le palier ou parfois même des visites pédagogiques dans les foyers.