Eco-quartiers.fr - Le blog - Avril 2011 - Le métier de maître d’ouvrage doit évoluer

Lorsque j’ai commencé à construire des logements au début des années 1980, le métier de maître d’ouvrage consistait essentiellement à rechercher des opportunités foncières, puis à concevoir, développer et commercialiser des programmes immobiliers. À vrai dire, rien n’a vraiment...

Le métier de maître d’ouvrage doit évoluer

Batiment-energie-positive
Lorsque j’ai commencé à construire des logements au début des années 1980, le métier de maître d’ouvrage consistait essentiellement à rechercher des opportunités foncières, puis à concevoir, développer et commercialiser des programmes immobiliers. À vrai dire, rien n’a vraiment changé depuis. Certes, l’adoption de nouvelles normes de construction (règles d’accessibilité, réglementations thermiques...) confère à notre profession une technicité de plus en plus poussée. Mais le cœur de notre activité reste le même...

Pourtant, les usages et fonctions de l’habitat ont beaucoup évolué au cours de la dernière décennie. À l’heure où la question du changement climatique influence les politiques publiques (en France, le secteur du bâtiment est responsable de 25% des émissions de GES), où Internet brouille toujours plus les frontières entre espaces de vie, de loisir et de travail, où le "think globally, act localy" fait figure de mot d’ordre, il semble nécessaire de repenser l’activité de maître d’ouvrage.  Or, si le Grenelle de l’environnement a largement souligné la nécessité d’améliorer les performances énergétiques du parc immobilier français, il n’a pas vraiment rompu avec l’approche fonctionnelle qui prévaut depuis l’après-guerre. On continue à considérer séparément les questions du logement, de l’activité économique, du transport, des loisirs, des liens sociaux, de la santé, etc., sans voir que le défi climatique nécessite à l’inverse une approche globale. Par exemple, construire une maison à énergie positive n’a de sens que si sa situation géographique permet à ses habitants de se passer de voiture ; de même, son impact sur la santé risque d’être négatif si on ne la conçoit pas avec des matériaux sains...

Dans ces conditions, il me semble que le maître d’ouvrage ne doit plus se contenter de construire des logements énergétiquement performants, comme l’y poussent à raison les nouvelles réglementations thermiques. Il doit avoir de l’habitat une vision plus large, et proposer un cadre de vie qui permette à ses habitants de contribuer sans perte de confort à l’émergence d’une société durable. Pour cela, il lui faut envisager non seulement les caractéristiques "physiques" du bâtiment (matériaux, architecture, systèmes...), mais aussi ses usages. Exercice difficile pour un professionnel qui a plutôt pour habitude de "passer à autre chose" une fois son programme livré à ses futurs occupants, et qui nécessite d’associer aux traditionnelles missions du promoteur une approche sociologique, sinon philosophique du logement.   

Convaincu que le métier de maître d’ouvrage devait évoluer, j’ai créé en 2006 les Ecofaubourgs. À l’origine de ces programmes de logements, la volonté d’appréhender l’habitat comme "fait social total" : non seulement comme espace où s’expriment l’identité et l’intimité de ses occupants, mais aussi comme lieu de la vie sociale, de l’activité économique, des loisirs. Si leur ambition est de concilier confort et durabilité, les moyens d’atteindre ce double objectif excèdent très largement le cadre de la maîtrise d’ouvrage classique. En effet, il nous semble essentiel, pour réduire notre empreinte écologique, de considérer toutes les consommations de ressources induites par un bâtiment (transport, alimentation...), afin d’offrir aux occupants les moyens de les diminuer. Ensuite, il me paraît nécessaire d’accompagner les habitants non seulement au moment de la livraison des programmes, mais bien au-delà, grâce à un ensemble de dispositifs d’information et d’incitations

Mais pour qu’une telle approche soit possible, le maître d’ouvrage doit cesser d’évaluer chaque opération à l’aune de sa seule rentabilité. Dans son bilan, il faut également que soient pris en compte des indicateurs "extra financiers", tels que les impacts écologiques et sociétaux du programme. Faute d’une telle (r)évolution, les efforts entrepris dans le cadre du Facteur 4 resteront limités, sinon totalement vains...
  • Rieselfeld-immeuble-rougeRieselfeld-immeuble-rouge
2 commentaire

Commentaires

  1. 1

    Exact, on ne verra pas émerger de ville durable, tant que l'habitat sera pensé séparément des transports, des activités économiques, etc.

    Tant de questions se posent une fois que ce constat est fait ! Comment penser la ville durable dans sa globalité ? Pourrait-on associer les mairies, leurs bureaux d'urbanistes, des experts en sociologie, les acteurs économiques, les habitants eux-même à cette démarche ? Comment réorganiser un espace de vie décloisonné par les nouvelles technologies ?

    Voilà un beau défi à relever !

  2. 2

    je suis parfaitement en accord avec la vision du maître d'ouvrage. les freins à l'évolution sont variés :
    - un contexte des marchés publics qui poussent à deux tendances contraires : l'alllotissemnt des prestations y compris intellectuelles, ce qui suppose la démultiplication des AMO techniques, sans vision globale,
    - la rotation des mono critères fondés sur des valeurs de communication mais sans réalité technique et scientifique,abondés par des lignes budgétaires assorties de labels ou de certifications aux critères éculés tels qu’Habitat et Environnement qui ne couvre qu'une vague volonté de développer des produits conformes à la réglementation et sans réflexion approfondie.
    - la faiblesse des réponses en maîtrise d'oeuvre qui ne sont pas à la hauteur des enjeux. Pour illustrer mon propos, un immeuble de bureaux sur une parcelle libre conçue en dépit des contraintes climatiques océaniques (vents) et ne bénéficiant pas du soleil gratuit.
    Je pense qu'il faut remettre à plat les données pour enrichir les réflexions de façon multicritères avec des visions sociétales et des réponses économiques durables.
    je développe dans le Grand Ouest une réflexion de cette nature avec des MO et MOE pour enrichir les projets et éviter de stériliser les territoires.
    La ville doit être un lieu de vie et d'espace de libertés, avec les circuits courts qui permettent de décarboner l'économie. Si nous ne prenons pas en compte de tels enjeux, nous pourrons inscrire sur les ensembles bâtis sans vision NO FUTURE

Ajouter un commentaire

Le code html sera affiché comme du texte

Derniers tweets

Archives